
Charles Gorintin : comment l’utilisation des données peut améliorer notre santé
⏱ 3 minAprès avoir travaillé pour Facebook puis Twitter, Charles Gorintin a créé une société d’assurance santé. Son objectif : travailler sur les données de santé pour améliorer la prévention et les interactions avec le système de santé.
« J’ai toujours été passionné par l’utilisation des maths et des données pour résoudre les problèmes complexes, affirme Charles Gorintin, cofondateur de l’entreprise d’assurance Alan. Les maths, oui, à condition qu’elles aient des retombées pratiques. » Après l’école des Ponts dont il sort diplômé en 2011, et une année de césure à la banque HSBC à Hong Kong où il construit des produits financiers, Charles Gorintin intègre le master MVA de l’ENS Paris-Saclay, qu’il trouve « extrêmement intéressant par l’applicabilité de ses enseignements ». Il part ensuite à Berkeley en Californie, pour, là encore, étudier l’ingénierie financière, et être diplômé de la business school. Il utilise des maths et des données pour créer des algorithmes de crédit, concevoir des produits financiers, prédire des cours d’actions, etc.
En 2012, alors que tous ses collègues partent dans des banques et des « hedge funds », il prend une autre direction : Facebook. « C’était une évidence pour moi, car Facebook possède à la fois énormément de données et des outils pour les étudier, note Charles Gorintin. Et ce que l’on y fait a un impact sur des milliards de personnes ! ». Pendant 2 ans, il travaille notamment à la lutte contre les faux comptes.
Chez Facebook, il développe aussi un projet nommé « Compassion ». « Il s’agissait d’aider les personnes à résoudre leurs problèmes sur Facebook », explique-t-il. Par exemple, si quelqu’un poste une photo qui choque d’autres personnes, ces dernières peuvent cliquer sur un bouton pour indiquer qu’elles veulent que la photo soit retirée. Celui qui l’a postée le fera plus facilement que sans cette option. Les internautes peuvent ainsi résoudre eux-mêmes leurs problèmes plutôt que d’en référer à Facebook ». Ce système, toujours en place aujourd’hui, serait utilisé des millions de fois par semaine. Charles Gorintin s’est aussi attaqué à la lutte contre le harcèlement des adolescents sur Internet, en les aidant, via des algorithmes, à trouver un adulte dans leur entourage qui puisse les soutenir.
Il travaille ensuite quelques temps sur la première plate-forme publicitaire d’Instagram, avant d’être débauché par Twitter en 2014 où il encadre la première équipe de datascientists travaillant sur la croissance du nombre d’utilisateurs. Il y développe des modèles de « churn » : comprendre quand et pourquoi un internaute ne se connecte plus.
Une startup dans l’assurance
Sa vie professionnelle prend un nouveau virage lorsqu’il revoit Jean-Charles Samuelian, un ancien camarade de l’école des Ponts. Tous deux connaissent, dans leur famille, des personnes malades qui auraient peut-être pu être diagnostiquées plus tôt grâce aux données. Pourquoi ne pas créer une entreprise qui tire parti des données de santé, pour aider les patients au quotidien et améliorer la prévention ? Les deux ingénieurs identifient les assurances comme les meilleurs canaux de distribution de leurs futurs algorithmes, mais ces dernières sont trop lentes et les fondateurs jugent leur produit de base trop insatisfaisant pour offrir de nouveaux services. Qu’à cela ne tienne, ils créent leur propre société d’assurance, baptisée Alan, en hommage à Alan Turing, et obtiennent l’agrément d’assurance en octobre 2016. « C’est la première nouvelle assurance indépendante en France depuis 1986 », s’enorgueillit Charles Gorintin. « En France, on a souvent peur des barrières, mais il ne faut pas hésiter à prendre des risques, voire à s’attaquer à des problèmes sur lesquels on n’a pas toute l’expertise, comme j’ai pu l’apprendre aux Etats-Unis. »
La première étape à laquelle répond Alan est de simplifier la manière dont on est remboursé de ses dépenses de santé, avec une inscription simple, un produit unique transparent et enfin compréhensible. Petit à petit viendront de nouveaux services de prévention en santé, et des outils pour gérer sa santé. Enfin la troisième étape est la construction d’une plateforme de services en santé offrant aux professionnels de santé des outils utilisant efficacement les données, toujours avec le consentement des utilisateurs. « Nous travaillons avec les pouvoirs publics afin de fluidifier l’accès au système de santé pour les utilisateurs, indique Charles Gorintin. Il ne s’agit pas de remplacer le médecin par un algorithme, bien au contraire, mais d’apporter des outils à tous pour que gérer sa santé soit plus accessible et plus facile. » Nul doute que les 16 salariés d’Alan auront du pain sur la planche dans les années à venir !