
Charles-Pierre Astolfi, du Machine Learning au Conseil national du numérique
⏱ 3 minTitulaire d’un master II en Machine Learning à l’ENS Cachan, Charles-Pierre Astolfi a déjà connu, dans sa carrière d’à peine sept ans, des expériences aussi diverses que la gestion de projet pour l’auto-partage et l’analyse en cybersécurité, avant de devenir secrétaire général du Conseil national du numérique. Parcours d’un insatiable curieux.
Le parcours de Charles-Pierre Astolfi, secrétaire général du Conseil national du numérique (CNNum), est marqué au sceau de la curiosité intellectuelle. Après avoir obtenu un bac à 13 ans, cet adolescent « haut potentiel » connaît un parcours d’étude supérieur plus exploratoire, enchaînant une licence de mathématiques, une classe prépa, avant d’intégrer la filière informatique de l’ENS Cachan et de décrocher en en 2012 le master II MVA, en Machine Learning, de cette même école prestigieuse. « J’ai opté pour cette spécialité car elle me paraissait plus appliquée, en prise avec le réel, que l’informatique théorique, qui était en réalité très proche des maths pures, que j’avais étudiées pendant mes deux premières années à l’ENS », raconte Charles-Pierre Astolfi. Or 2012 correspond, par un heureux hasard, à un point d’inflexion majeur de cette discipline : « Le Machine Learning était déjà un sujet chaud avec de premiers succès en reconnaissance du langage, en diagnostic médical, mais il a littéralement explosé quelques mois après mon diplôme dans le domaine de la reconnaissance visuelle, grâce à des performances inédites obtenues sur la base de données ImageNet », se souvient-t-il.
Mêler technique et intérêt général
Ce n’est pourtant pas cette voie que privilégie l’étudiant, admis entre-temps au concours d’entrée du Corps des Mines, qui forme des hauts fonctionnaires. « L’idée de faire le pont entre mes compétences techniques et l’intérêt général, qui est au cœur de la mission de fonctionnaire, me séduisait », explique Charles-Pierre Astolfi qui avoue « qu’il aurait pu choisir la philosophie dans une autre vie ». Les deux stages qui jalonnent cette formation témoignent, du reste, de sa faculté à épouser des spécialités très diverses. Il fait le premier en tant que développeur pour une start-up, Vidéodesk, qui propose de la mise en relation client-vendeur en ligne via des chats ou des vidéo conférences. Le second porte sur la gestion de projet pour transposer le concept parisien d’Autolib dans la ville d’Indianapolis, aux États-Unis. « Une année qui m’a amené très loin des ordinateurs, et où les problèmes à résoudre, autrement plus concrets, consistaient plutôt à déterminer comment implanter une station de recharge, et où faire passer ses gaines d’alimentation », s’amuse Charles-Pierre Astolfi.
Au terme de ce cursus à Mines Paristech, il décide finalement d’entamer sa carrière de fonctionnaire à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), en tant qu’analyste en cybersécurité. Son job : trouver des virus offensifs, remonter à leur source, et identifier les ordinateurs contaminés pour contenir la menace. « Une sorte de profiler pour virus informatique, un métier stimulant, très opérationnel et touche à tout, avec quand même des composantes techniques comme l’usage du Big Data », décrit l’ingénieur, qui reste discret sur le détail des missions effectuées – secret défense oblige !
Au cœur des politiques publiques
Après trois ans passés à l’ANSSI et une promotion au poste de chef de bureau au centre opérationnel de l’Agence, Charles-Pierre Astolfi prend pourtant la décision en juin de 2018 de rejoindre le Conseil national du numérique, en tant que secrétaire général. « C’est un poste beaucoup plus « méta », où j’ai davantage l’occasion de m’intéresser aux politiques publiques. Le lien entre numérique et société, qui m’a toujours intéressé, est évident ici », apprécie Charles-Pierre Astolfi. Au sein de cette instance consultative créée en 2011 par le gouvernement, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il assure désormais le lien entre les membres du Conseil, nommés sur une base volontaire, et le secrétariat général, qui regroupe un ensemble de fonctions supports comme des juristes, des spécialistes en relations internationales ou des ingénieurs.
« Les thèmes que nous traitons sont aussi variés que les préoccupations sociétales. Nous avons, par exemple, récemment publié un avis sur l’accessibilité des services numériques aux personnes handicapées. Nous y pointions, entre autre, un point aveugle de la loi, qui ne désigne aucune instance pour faire appliquer les amendes en cas de non-respect de cette accessibilité, si bien que les sanctions prévues sont nulles en pratique », illustre Charles-Pierre Astolfi. Parmi la dizaine de sujets actuellement embrassés par le CNNum, celui de la reconnaissance faciale suscite également un grand écho sociétal. « Même si je ne suis plus à proprement parler dans la technique, mon background en Machine Learning m’est très précieux sur ce type de sujets. Il me permet d’aborder la composante technique du débat de manière plus éclairée », souligne le secrétaire général du CNNum. « Par exemple, un taux de succès dans la reconnaissance faciale de 99 % ne suffit pas à juger la sûreté d’une technologie : il faut aussi considérer le taux de faux positifs ». Un avis du CNNum sur le sujet devrait d’ailleurs être publié mi-2020. Gageons que son secrétaire général sera en première ligne pour porter cette pierre à l’édifice du débat public.
Hugo Leroux