Pierre-André Savalle, l’intelligence artificielle concrète
⏱ 3 minSpécialiste de méthodes statistiques et d’apprentissage automatique (machine learning), cet ingénieur Centralien ne s’imaginait pas docteur. Et pourtant… Recruté chez Cisco juste après sa thèse, il est très attaché à l’application de ses recherches et n’aime rien moins que de voir une idée s’incarner dans un produit fonctionnel.
« Très tôt, j’ai exclu de faire de la recherche fondamentale, lance Pierre-André Savalle. J’aime m’emparer d’une question concrète, construire quelque chose, et le voir fonctionner. » D’où le goût de ce spécialiste de l’apprentissage automatique pour l’informatique dès son plus jeune âge : « C’est un domaine où les échelles de temps sont très courtes. Bonne ou mauvaise, une idée est facile à mettre en œuvre et à tester. » C’est ce qui convient à ce touche-à-tout qui enchaine les projets au gré de ses rencontres autant que de son intérêt fondamental pour une question.
De l’idée au produit
Illustration dès son année de césure, en 2009, deux ans après son entrée à l’Ecole Centrale. Pierre-André Savalle vient d’y suivre le cours de Nikos Paragios, spécialiste reconnu en vision artificielle, et opte pour un séjour de 6 mois chez General Electric où il travaille sur la reconnaissance visuelle appliquée à l’imagerie médicale. « Cette première expérience m’a permis de me familiariser avec les procédures qui conduisent d’une idée à un produit », commente l’ingénieur qui, avec un camarade de promotion, consacre la seconde moitié de son année de césure au développement d’un synthétiseur musical de guitare. L’aventure entrepreneuriale ne va pas jusqu’à son terme, mais un logiciel (Spicy guitar) est toujours en accès libre sur le net !
Retour à Centrale où Pierre-André Savalle suit l’enseignement du master MVA de l’ENS Paris-Saclay. Il s’y spécialise en machine learning, cette branche de l’intelligence artificielle qui permet à une machine de reconnaître, de prendre des décisions et d’agir sur la base de ses expériences passées. Et qui trouve aujourd’hui des applications de la biologie à la vente en ligne en passant par la médecine et la physique des particules.
Ensuite, le jeune scientifique s’inscrit en thèse : « Je me suis surpris moi-même à prendre une telle décision, confie-t-il. Mais ce master, avec ses enseignants au top, ouvrait tellement de portes qu’il était une véritable invitation à faire de la recherche pour comprendre comment les idées se relient les unes aux autres. »
Selon ses propres mots, Pierre-André Savalle opte pour un sujet « flou ». Ou plutôt enchaîne plusieurs problématiques a priori sans cohérence entre elles. Dans un premier temps, il développe de nouvelles idées sur le problème général en statistique dit de recommandation : « Il s’agit par exemple de déterminer comment optimiser les propositions faites à un consommateur sur la base de ses choix antérieurs », explique le mathématicien. Puis, il se frotte à la question théorique des critères permettant d’affirmer qu’un problème statistique possède (ou pas) une solution. Enfin, il travaille sur la question de la reconnaissance d’objets et de leur structure dans des images. « Le lien entre ces différents travaux est apparu à la fin, moins dans les outils mathématiques utilisés que dans une certaine démarche », commente-t-il.
Trouver le bon modèle théorique
En 2014, dès son doctorat en poche, Pierre-André Savalle renoue avec l’univers des applications en rejoignant l’entreprise Cisco, spécialisée dans les réseaux informatiques. Premier projet : le développement de nouvelles méthodes pour des applications en cybersécurité. « Classiquement, on détecte les comportements malveillants en se référant à une liste statique de tels agissements. A l’inverse, nous avons développé un modèle théorique du réseau et de ses acteurs dans l’objectif de détecter également des attaques non encore référencées », détaille le scientifique. Secret industriel oblige, il ne s’étend pas sur son activité présente, indiquant simplement qu’il s’agit de concevoir des outils d’apprentissage machine permettant de sonder la bonne santé et les performances des réseaux de communication. Comme il le résume, « ma satisfaction n’est pas liée au fait de chercher la meilleure méthode générale pour concevoir des intelligences artificielles, mais de bien comprendre la spécificité de chaque problématique pour proposer la solution la plus adaptée. »
Prendre en compte chaque situation, c’est aussi le conseil de Pierre-André Savalle aux futurs experts en intelligence artificielle : « Cours, stages, projets personnels… il faut saisir toutes les opportunités. C’est la seule façon, d’une part de comprendre comment les choses fonctionnent véritablement, d’autre part de saisir ce que l’on aime vraiment faire. » Sans rien exclure !