

Ahmed Touila : le choix de la start-up
⏱ 3 minAprès ses 6 mois de stage d’ingénieur CentraleSupélec, ce jeune tunisien d’origine est resté aux côtés de ses deux maîtres de stage pour participer à la création de leur start-up, en octobre 2017. À 24 ans, le data scientist est le premier salarié d’Hyperlex qui développe un puissant outil de gestion de contrats et d’extraction d’informations juridiques. Un parcours sans faute !
« Après mon diplôme d’ingénieur, j’envisageais de faire une thèse », se rappelle Ahmed Touila… Une idée vite abandonnée quand il commence à s’investir dans le projet d’Alexandre Grux, Alexis Agahi et Guillaume Bon. « Cela correspondait exactement à ce qui m’intéressait, raconte-t-il. J’ai répondu à leur offre de stage postée sur le groupe Facebook de l’école. Il s’agissait de faire l’état de l’art des algorithmes de traitement automatique du langage (Natural Language Processing ou NLP) et de trouver les plus adaptés à la fouille de données contractuelles. » Un sujet pas forcément évocateur pour le commun des mortels mais qui motive d’emblée l’étudiant passionné par ces techniques statistiques d’intelligence artificielle autour du traitement des données textuelles et de la sémantique. Il semble particulièrement intéressé par le défi à relever, cette double complexité qui consiste à transformer le texte sous forme de données numériques (des « vecteurs ») pour les analyser ensuite.
« Je venais de passer 6 mois à travailler sur un sujet proche dans le cadre de mon projet industriel de 3eannée chez L’Oréal, précise-t-il : avec ce type d’outils, j’avais analysé les tendances dans le monde pharmaceutique notamment via un suivi de brevets. »Un coup de fil à Alexandre Grux et Alexis Agahi et c’est décidé : « J’ai été convaincu par leur vision et leur projet de création d’une start-up. Sans compter que commencer avec eux de zéro, participer à la phase de R&D dans un domaine émergent était une expérience unique. »Un choix payant : en octobre 2017, Ahmed Touila est embauché dans la foulée en CDI, premier salarié de la start-up Hyperlex, une legaltech comme on dit, qui lève 1 million d’euros en février dernier auprès de business angels français. Le voici au cœur d’une aventure entrepreneuriale prometteuse.
Un parcours construit pas à pas
Comment ce jeune Tunisien en est-il arrivé là ? « J’ai fait mes études à Tunis, jusqu’à la prépa », raconte-t-il. L’enseignement dans cette prépa élitiste, unique en Tunisie, est destiné à aider les étudiants à intégrer les grandes écoles d’ingénieurs françaises (X, Telecom, Mines, CentraleSupelec) et le gouvernement Tunisien attribue une bourse d’excellence aux lauréats pendant toute leur scolarité en France. C’est ainsi qu’Ahmed Touila intègre CentraleSupélec en 2014. Il y découvre une formation générale théorique riche, approfondit ses connaissances en maths et en traitement du signal. Il découvre aussi l’immense potentiel du machine learning (apprentissage automatique) lors de son projet de 2eannée. Un projet sur la classification d’instruments de musique selon leurs caractéristiques sonores grâce à des représentations vectorielles et à des algos comme le Support Vector Machine (SVM) : « Cela m’a ouvert les yeux sur la beauté des maths sur lesquels sont basés ces algos, reconnait-il. Des signaux sonores pouvaient être transformés en objets mathématiques qui ont du sens et être alors identifiés par la machine alors qu’ils étaient impossibles à différencier sur le papier, même entre un violon et un piano… »
Pour poursuivre dans cette voie, en fin de 2eannée, l’étudiant choisit un stage en machine learning, dans le data center de Cap Gemini : il étudie et teste pendant 2 mois les algorithmes de dernière génération, pour faire cette fois de la prédiction de panne des serveurs. Convaincu, il choisit ensuite de poursuivre sa 3eannée, à Metz, avec la Majeure « Systèmes interactifs et robotique » qui comporte un enseignement en apprentissage automatique. Il étudie les algos classiques de machine learning, les approches bayésiennes, les réseaux de neurones, etc. Et il y a eu ce cours sur le traitement de langage naturel (NLP) qui l’intéresse particulièrement, qui l’« intrigue » comme il dit et le décide à approfondir le sujet avec un projet industriel chez L’Oréal. On connait la suite.
Une expérience déjà très riche
Regrette-t-il de ne pas faire un doctorat ? « Pas du tout », rétorque le jeune homme qui estime maîtriser suffisamment les algos classiques dans le cadre de sa formation. Quant au NLP, les dernières avancées, notamment en matière de représentation vectorielle des données textuelles, sur laquelle il travaille, datent des années 2013-2014 : « J’ai pu faire le tour assez vite de la douzaine de publications scientifiques dans ce domaine émergent. Il n’y a pas de data scientist senior en NLP comme il y en a dans d’autres disciplines du machine learning. » Il reconnait aussi que participer au déploiement de l’algorithme (aujourd’hui intégré à la solution et testé en béta par des clients) lui permet d’acquérir bien plus de compétences que la seule théorie, que ce soit en gestion de serveur, en calcul de la scalabilité de l’algo pour son passage en production ou dans les partenariats qui se montent avec des laboratoires de recherche publics.
Le jeune entrepreneur conseille aux étudiants de bien prendre le temps de choisir leur stage, de privilégier le sujet plutôt que l’entreprise, de s’intéresser aussi aux start-ups et pas seulement aux « grosses boites ». « Il faut choisir un sujet et un projet auxquels on croit,insiste-t-il,dans lequel on a envie de s’investir. C’est la passion qui pousse à aller plus loin, à être toujours à l’affût de nouvelles pistes, à poursuivre sans cesse nos échanges avec le plaisir d’avancer ensemble et vite. » Bonne chance à Hyperlex !