« Ce succès permet d’enraciner les mathématiques dans l’excellence et l’ouverture à l’international »
⏱ 3 minC’est une première pour l’enseignement supérieur français, l’université Paris-Saclay a décroché la première place en mathématiques au classement de Shanghai 2020. Pascal Massart, directeur de la Fondation Mathématique Jacques-Hadamard (FMJH), revient sur ce succès.
Quel est le rôle de la Fondation Mathématique Jacques-Hadamard ?
Pascal Massart : La Fondation a été créée en 2011, en même temps que le « cluster » scientifique de Paris-Saclay. Notre rôle est de conduire un projet d’excellence scientifique dans le domaine des mathématiques en mettant en synergie onze laboratoires. Grâce à nos moyens humains et financiers, nous avons fait adhérer les communautés scientifiques à notre projet et œuvré à la création d’un Master unique « mathématiques et applications » et d’une école doctorale. Bien sûr, les bons résultats de l’université Paris-Saclay dépendent avant tout de la qualité des hommes et des femmes qui exercent dans les laboratoires de mathématiques. Mais la Fondation, c’est un peu la cerise sur le gâteau qui est là pour leur relayer le message « Ensemble, on est plus forts ».
Quelle a été votre réaction à l’annonce du classement de Shanghai, qui place l’université Paris-Saclay première en mathématiques ?
M. : Cette première place est une fierté pour moi en tant que mathématicien, mais aussi en tant que personne qui a participé à apporter de la cohésion dans le périmètre des mathématiques à Paris-Saclay. Avec la 3e place de Sorbonne Université et la 10e de l’université PSL (Paris Sciences & Lettres), le domaine est particulièrement fort en France. Mais je n’ai pas été vraiment surpris que l’université Paris-Saclay arrive en tête. La mécanique du classement de Shanghai repose pour beaucoup sur des critères de notoriété, et notamment sur la prestigieuse médaille Fields, qui est régulièrement attribuée à des mathématiciens français, dont certains exercent sur le campus.
Paris-Saclay devance pour la première fois l’université de Princeton (États-Unis) qui, elle, était en tête depuis plusieurs années. À quoi attribuez-vous ce résultat ?
M. : Auparavant, l’université Paris-Sud (absorbée aujourd’hui par l’université Paris-Saclay, NDLR) oscillait, suivant les année, entre la 2eet la 5eplace au classement de Shanghai. Avec la création de l’université Paris-Saclay fin 2019, il y a eu une convergence des forces. L’intégration de l’IHES (Institut des Hautes Études Scientifiques) a notamment été déterminante pour décrocher cette première place. Cet institut de recherche, qui s’inspire du modèle de l’IAS (Institute for Advanced Study), à Princeton, accueille de nombreux médaillés Fields parmi ses professeurs.
Quels sont les laboratoires de Paris-Saclay qui s’illustrent le plus en mathématiques ?
M. : Le département de mathématiques d’Orsay, l’IHES et le Centre Borelli constituent, selon moi, le triptyque gagnant.
Que va apporter ce classement à l’université Paris-Saclay ?
M. : Ce succès va d’abord permettre d’enraciner les mathématiques dans l’excellence et l’ouverture à l’international. Orsay et l’IHES recrutent déjà des chercheurs internationaux depuis les années 1960. Mais, avec cette nouvelle visibilité internationale, cela va se renforcer. Les étudiants étrangers – qui pour beaucoup scrutent les classements – commencent déjà à arriver. On sent un frémissement ! En interne, cela apporte également une cohésion scientifique plus forte. Les mathématiciens sont souvent sceptiques. Or, ce succès au classement de Shanghai leur montre que leurs efforts ont été payants.
Comment allez-vous continuer à défendre cette première place ?
M. : Le principal enjeu est de maintenir notre attractivité vis-à-vis des meilleurs chercheurs et enseignants-chercheurs. À l’université Paris-Saclay, ils bénéficient de conditions de travail favorables et d’une très grande liberté dans leurs recherches. Les compter dans nos équipes pour dispenser des cours de très haut niveau permet aussi d’attirer les meilleurs étudiants et doctorants dans notre université. C’est un cercle vertueux ! Nous devons également continuer à être actif en recherche et à valoriser le doctorat auprès des entreprises. Dans ce domaine, le Centre Borelli est précieux, car il élargit le spectre des mathématiques de Paris-Saclay et apporte davantage de contact avec les entreprises. C’est l’un des éléments qui pourrait nous permettre, à l’avenir, de conserver cette première place.
Propos recueillis par Laure Blancard