Sébastien Gerchinovitz : les mathématiques au service de l’apprentissage automatique… et des systèmes critiques
⏱ 3 minD’abord Maître de conférences en mathématiques, Sébastien Gerchinovitz a évolué récemment vers un poste de chercheur à l’IRT Saint Exupéry de Toulouse pour se consacrer à sa passion : la recherche sur les statistiques et la théorie du machine learning.
A 37 ans, Sébastien Gerchinovitz est aujourd’hui un chercheur toulousain à multiples casquettes : il travaille à l’IRT Saint Exupéry, est chercheur associé à l’Institut de Mathématiques de Toulouse et membre de la chaire « théorie des jeux et intelligence artificielle » au sein de l’Institut d’intelligence artificielle et naturelle de Toulouse (ANITI). Totalement épanoui dans ses fonctions, il consacre désormais 100 % de son temps à ses projets de recherche en machine learning (apprentissage automatique), notamment en online learning (apprentissage séquentiel) et depuis peu, en deep learning (apprentissage profond). Mais cela n’a pas toujours été le cas…
Un rêve d’ingénieur avant d’être emporté par la passion des maths
Avec un père professeur de physique et une mère professeure de biologie, Sébastien Gerchinovitz était, selon lui, « conditionné dès l’enfance pour faire des sciences ». Au lycée à Cholet, près de Nantes, il s’imagine d’abord ingénieur en informatique. Puis, en prépa MPSI (mathématiques, physique et sciences de l’ingénieur), ingénieur en physique. Finalement, c’est à l’Ecole Centrale à Paris, en 2005, que son goût pour les mathématiques s’affirme. « Le formalisme et la logique des maths me plaisaient bien », raconte-t-il avec le sourire.
En deuxième année, il s’inscrit donc, en parallèle de son cursus, en Master 1 de mathématiques à l’université Pierre et Marie Curie à Paris. Puis en troisième année, en Master 2 à l’université Paris-Sud à Orsay (aujourd’hui Paris-Saclay) pour, dit-il, « se renforcer en probabilités et en statistiques ». Le jeune homme détonne un peu parmi ses camarades de Centrale, d’autant qu’il décide de poursuivre ses études par une thèse. Pour quelles raisons ? « Pour continuer à faire des maths et également un peu de recherche, même si je ne savais pas vraiment ce que c’était à l’époque », avoue-t-il avec sincérité.
Le choix de mêler d’abord recherche et enseignement
Un contact noué lors de son Master 2 lui permet d’effectuer son doctorat en statistiques à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Paris. Son sujet : l’apprentissage statistique, et plus particulièrement ce que l’on appelle l’apprentissage séquentiel. « Ces problèmes de décisions séquentielles sont un peu comme un jeu et trouvent des applications dans plusieurs domaines, comme les systèmes de recommandation musicale ou la conduite de certains essais cliniques », explique Sébastien Gerchinovitz. Lui travaille davantage sur la théorie et adore passer des jours à réfléchir sur un même problème.
Une fois sa thèse soutenue en 2011, deux possibilités de carrière s’offrent à lui : chercheur ou enseignant-chercheur. Comme la deuxième option lui semble plus ouverte et que l’enseignement lui plaît, il devient d’abord ATER (attaché temporaire d’enseignement et de recherche) à l’université Paris-Sud pendant un an. En 2012, il postule, logiquement, à plusieurs postes de maître de conférences dans toute la France. Verdict ? Il en décroche deux, dont celui qu’il choisit à l’université Toulouse III – Paul Sabatier. « La ville m’attirait et j’avais eu de bons échos de l’équipe de recherche qui allait m’accueillir à l’Institut de mathématiques », explique-t-il tout simplement.
Le besoin de s’investir à 100 % dans la recherche
Enseignant-chercheur à Toulouse pendant sept ans, il partage alors son temps entre l’enseignement, l’accompagnement des étudiants, l’administratif et enfin… la recherche. Trop peu, selon lui. Frustré de ne pas pouvoir avancer davantage dans ses recherches, il décide donc en 2019 de « déplacer le curseur », dit-il. « J’aime l’enseignement, mais j’aime encore plus mener des projets de recherche, surtout dans leur phase exploratoire ». Il demande un détachement pour cinq ans à son université et candidate avec succès, à un poste de chercheur qui s’ouvre justement à l’IRT Saint Exupéry de Toulouse. Un choix qu’il ne regrette absolument pas, puisqu’il dispose aujourd’hui de plus de temps et d’une grande liberté dans ses recherches. Même s’il est toujours un peu débordé…
Et pour cause, Sébastien Gerchinovitz s’investit pleinement dans son travail. En tant que chercheur à l’IRT, il participe au projet DEEL (DEpendable Explainable Learning) qui réunit des équipes françaises et québécoises avec pour objectif le développement de briques technologiques d’intelligence artificielle fiables, robustes, explicables et certifiables destinées à la réalisation de systèmes critiques. « L’enjeu est d’aider à développer des algorithmes d’apprentissage utilisables par des systèmes critiques comme les trains ou les avions par exemple », explique-t-il.
« Ce projet autour de l’intelligence artificielle est novateur car il réunit des chercheurs académiques, des ingénieurs et des data scientists pour qu’ils travaillent ensemble », assure Sébastien Gerchinovitz. Qu’envisage-t-il pour la suite ? Son cœur balance toujours entre recherche et enseignement. Il lui reste donc un peu plus de deux ans – la date de la fin de son détachement – pour se décider.
Laure Blancard
Crédit photo : IRT Saint Exupéry