Sophie Rosset : une chercheuse passionnée par le dialogue homme-machine
⏱ 3 minDirectrice du LISN, Sophie Rosset travaille depuis trente ans sur les systèmes de dialogue homme-machine. Aujourd’hui, ses recherches se concentrent sur la modélisation de ce dialogue et sur l’apprentissage en continu, problème central de l’intelligence artificielle.
« Rien n’était prévu à l’avance, ni le fait d’exercer dans la recherche scientifique, ni celui de prendre un poste de direction », explique d’entrée Sophie Rosset quand on la questionne sur son parcours. « Mais je prends un immense plaisir à faire ce que je fais ! ». En effet, à l’entendre raconter son histoire professionnelle, on s’aperçoit que celle-ci s’est surtout façonnée au gré des rencontres et des opportunités.
Le goût des sciences du langage bien avant l’informatique
La première rencontre est télévisuelle. Dans les années 1980, Sophie Rosset a 12 ans et regarde des émissions dans lesquelles sont invités des « chercheurs ». Intriguée par ce métier, elle pose des questions. Ses parents lui expliquent que cela consiste globalement à « se poser des questions sur le monde ». Intéressant… Après un baccalauréat littéraire, la jeune étudiante se tourne alors vers les sciences du langage à l’université Lyon II. Dans le cadre de sa maîtrise, elle part même effectuer deux ans d’études avancées en linguistique théorique à l’université du Québec à Montréal. « Rien à voir donc avec l’informatique », sourit-elle. Sauf que les cours de programmation informatique font – pour une raison qu’elle ignore – partie du programme. Et elle y prend goût !
Dès son retour en France en 1994, elle rejoint le Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur (Limsi) à Orsay, comme ingénieur d’études. « C’est là que j’ai véritablement flashé sur les systèmes de dialogue humain-machine car j’aimais l’idée d’étudier comment on arrive à se comprendre », explique-t-elle. Séduite à la fois par le côté sciences expérimentales et le travail sur les données, elle poursuit par une thèse en informatique à l’université Paris-Sud sur la gestion de dialogue dans les systèmes de conversation orale homme-machine.
Une carrière au service de la recherche
Après sa soutenance de thèse en 2000, des problèmes de santé l’empêchent de poursuivre par un post-doc. Mais deux ans plus tard, Sophie Rosset passe avec succès le concours de recrutement de chercheurs du CNRS et intègre finalement l’équipe Traitement du langage parlé du Limsi. Devenue chercheuse comme elle en rêvait plus jeune, elle enchaîne ensuite les étapes : elle passe son habilitation à diriger des recherches (HDR) en 2008, puis devient directrice de recherche en 2012. « C’est à mon sens ce qu’il faut faire : prendre de l’indépendance et des responsabilités », se justifie-t-elle.
Progressivement, ses recherches s’orientent vers le domaine médical, notamment avec le projet de patient virtuel Patient Genesys destiné aux étudiants en médecine. Grâce à l’intégration de méthodes de traitement automatique des langues et d’algorithmes d’optimisation des recherches dans des ressources terminologiques, elle conçoit notamment avec son équipe le premier système de dialogue virtuel capable d’aider à établir un diagnostic, quel que soit le domaine médical.
La volonté de créer des ponts entre les disciplines
Début 2021, après avoir participé activement à la création du nouveau Laboratoire Interdisciplinaire des Sciences du Numérique (LISN), fruit de la fusion entre le LIMSI et le Laboratoire de Recherche en Informatique (LRI) d’Orsay, elle en prend la direction. Composée d’environ 400 personnes, cette unité de recherche du plateau de Saclay (Essonne) se distingue car elle est avant tout pluridisciplinaire : science des données, psychologie, langues, mécanique… « J’apprends énormément et je découvre des domaines que je ne connaissais pas, comme la bio-informatique par exemple. C’est passionnant ! », se réjouit-elle.
Et ses propres recherches dans tout ça ? « Cela occupe aujourd’hui 20 % de mon activité, ce qui est parfois frustrant. Mais j’espère pouvoir y consacrer plus de temps d’ici peu », confie-t-elle. Parmi les projets qu’elle mène actuellement avec ses doctorants : la compréhension automatique d’une langue dans le cas où peu de données sont disponibles, en faisant appel à l’apprentissage par transfert et à l’apprentissage en continu. Tout un programme !
Laure Blancard
Crédit photo : Xavier Pierre – CNRS-INS2I