IoT : le réseau bas débit et longue distance de Sigfox gagne du terrain
⏱ 3 minLa société toulousaine Sigfox a déjà connecté plus de 15 millions d’objets dans le monde grâce à son réseau « 0G » bas débit et longue distance.
« Il ne viendrait à l’idée de personne d’utiliser une Ferrari pour rouler constamment à 10 km/h, ce serait bien trop cher pour ce besoin, et de toute façon la voiture n’est pas optimisée pour cela », pose Christophe Fourtet, directeur technique et cofondateur de Sigfox. « Il en va de même pour les réseaux télécoms traditionnels : ils ont été dimensionnés pour les communications humaines, relativement gourmandes en débit. Notre réseau, au contraire, s’adresse aux besoins plus « modestes » de l’internet des objets industriels, avec un coût par objet plus raisonnable ». Un réseau « 0G » bas débit et longue distance : c’est ce que propose Sigfox depuis sa création, il y a une dizaine d’année… et son pari est en train de prendre à une vitesse exponentielle : La société compte désormais un total de 15 millions d’objets connectés dans plus de 65 pays, contre 6,2 millions en 2018, et 2,5 millions l’année précédente.
Miser sur des fréquences libres en bandes étroites
En pratique, le réseau Sigfox s’appuie sur des bandes de fréquence sans licence, comme l’ISM, sur la bande 868 MHz en Europe. La réglementation impose en contrepartie que l’utilisation de ces fréquences « libres » par un objet donné ne dépasse pas 1 % du temps, soit 36 secondes par heure. Cela limite les informations que l’usager peut envoyer à 140 messages montants maximum par jour (qui peuvent contenir chacun une charge utile de 12 octets), ainsi que jusqu’à 4 messages descendants quotidiens (pouvant contenir chacun une charge utile de 8 octets). Si cela paraît peu, c’est pourtant suffisant pour fournir un service à bas coût, et peu énergivore, pour une variété d’applications dans l’IoT. Sigfox compte par exemple parmi ses plus gros clients le fournisseur d’alarmes domestiques Verisure (3 millions d’objets connectés), le fournisseur de gaz nippon Nicigas pour la relève de compteurs et la surveillance de fuite (850 000 objets), ou encore la branche postale de l’allemand DHL pour le suivi de chariots de livraison (250 000 objets).
La technologie propriétaire de Sigfox repose sur l’Ultra Narrow Band (UNB), qui permet d’exploiter une bande de fréquence avec une longue portée et une haute qualité de service. « L’UNB s’appuie sur un principe : plus la bande de fréquence est étroite, plus le signal ressort du bruit ambiant. Cette technique permet d’optimiser la performance de liaison de nos antennes sur de longues distances. Ainsi, un objet Sigfox, même s’il n’émet qu’avec une puissance de l’ordre de 1 à 20 mW typiquement, reste 100 à 1 000 fois plus détectable que votre smartphone sur le réseau cellulaire, qui lui émet avec une puissance de l’ordre du watt », relève Christophe Fourtet.
Du réseau public au réseau privé
Lors de son rendez-vous annuel Sigfox Connect à Singapour, la société toulousaine a annoncé une nouvelle offre de service de réseau privé. « Jusqu’ici, nous fonctionnions exclusivement comme un réseau public et mondial, mais certains de nos clients visent des applications très localisées, souvent indoor, comme un entrepôt ou un chantier, qui peuvent concentrer des milliers d’objets émettant très faiblement, de l’ordre du microwatt. Nous pouvons alors renforcer notre réseau à ces endroits pour assurer la fiabilité de service adaptée », explique Christophe Fourtet. L’offre de service initiale sur le réseau public a également évolué récemment : « jusqu’à présent, en Europe, les communications étaient limitées à 100 bits/sec, mais nous proposons désormais du 600 bits/s dans certaines régions, du fait de la densification générale du réseau », poursuit le directeur technique.
Sur ce marché de l’IoT en pleine explosion, Sigfox se trouve néanmoins en concurrence avec l’alliance LoRa, portée par Orange, qui compte, elle, près de 18 millions d’objets connectés. Ce réseau bas débit s’appuie, lui, sur une technologie alternative à l’UNB, baptisée CSS (Chirp Spread Spectrum). Cette technique consiste à étaler un signal faible sur l’ensemble de la bande de fréquence, un autre moyen de maximiser la sensibilité de détection sur de longues distances. « Nous sommes pour l’heure en concurrence de fait, mais à terme il pourrait y avoir une différenciation par types d’applications car nos technologies sont complémentaires », analyse Christophe Fourtet. « Le CSS présente une meilleure symétrie entre les signaux montants et descendants ; il est donc plus adapté pour une connexion point à point, avec des objets communicants plus perfectionnés et coûteux, mais des infrastructures moins complexes. Le protocole Sigfox, lui, est réalisable avec des composants très peu coûteux ; en revanche la détection des signaux en bandes étroites implique des stations radio plus sophistiquées. Il sera donc mieux amorti dans le cas d’une massification des objets propre à un réseau d’envergure », analyse le directeur technique de Sigfox. Alors, Sigfox ou Lora ? Le choix ne sera peut-être pas si binaire à l’avenir.
Hugo Leroux
Illustration à la une © Sigfox