Les données au service de l’aéronautique
⏱ 3 minLa société Safety Line propose des outils destinés à aider les compagnies aériennes et les aéroports à améliorer leur sécurité et diminuer leurs impacts environnementaux.
L’aéronautique est un secteur industriel qui crée beaucoup de données : vitesse et altitude des vols, déplacements des avions et des véhicules sur les pistes, mouvements autour de l’aéroport, etc. Or, jusqu’à présent, ces données étaient presque uniquement utilisées pour analyser les accidents. Pourtant, elles sont aussi une mine d’informations pour améliorer la sécurité et limiter l’impact environnemental des vols. C’est ce que s’est dit Pierre Jouniaux, enquêteur du Bureau d’enquête accident (BEA) et pilote de ligne, lorsqu’il a créé Safety Line en 2010.
Historiquement, sa société vise à utiliser les données issues des enregistreurs de vol pour d’autres usages que la compréhension des catastrophes. Les méthodes d’analyse relèvent du machine learning : régression et classification, méthodes d’arbres (Random Forests, Boosting Trees), méthodes à noyaux (SVM entre autres). « Les données de vol proviennent des compagnies aériennes, indique Baptiste Gregorutti, responsable de la recherche chez Safety Line. Ces dernières sont responsables de la sécurité de leurs vols, et elles sont tenues d’analyser ces données. Mais dans les faits, elles le font très peu. »
Atterrissages trop longs
Safety Line propose le logiciel FlightScanner. Issu de plusieurs années de recherche et développement en collaboration avec le Laboratoire de Statistique Théorique et Appliquée de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris 6), c’est un outil d’analyse des risques opérationnels tels que les atterrissages longs (normalement, l’avion doit s’arrêter lorsqu’il reste encore 40 % de la longueur de la piste) ou les atterrissages durs. Il s’agit ainsi de réduire le risque d’atterrissages problématiques comme les sorties de pistes qui engendrent des dégâts matériels coûteux.
« Grâce à des outils statistiques, nous déterminons les causes de ces atterrissages longs, indique Baptiste Gregorutti. Ainsi, sur un aéroport, nous avons montré que l’existence d’un vent arrière était un des principaux facteurs de risque. » Sur un autre aéroport, Flight Scanner a montré que si l’avion est bien stabilisé pendant l’approche (son altitude et sa vitesse sont conformes aux préconisations), l’atterrissage se passe bien. Mais dès que l’avion sort de ces exigences, le risque d’atterrissage problématique augmente.
Décollages économes
Outre la sécurité, la baisse des consommations de carburants est l’une des principales préoccupations des compagnies aériennes. C’est là qu’intervient OptiClimb, destiné à réduire les consommations lors de la phase de décollage. Cet outil est basé sur les données réelles de montée des avions, et non sur leurs profils théoriques. Il utilise les informations de chaque vol, auxquelles il ajoute des données météorologiques (température, vent). « Concrètement, nous recevons le plan de vol quelques heures avant le décollage, nous faisons tourner nos serveurs au sol, et nous envoyons au pilote des consignes de vitesse adaptées à sa situation précise (type d’avion, météo, plan de vol…), explique Baptiste Gregorutti. Mais le pilote reste seul maître à bord, il peut suivre ou non nos préconisations. »
L’idée générale est de monter rapidement en altitude, car plus on est haut, plus la pression est faible et moins on consomme. Cet outil est aujourd’hui utilisé par Transavia France et Transavia Hollande, ainsi que par la compagnie réunionnaise Air Austral. D’autres compagnies sont en train de le tester. Transavia a observé une économie moyenne de 60 à 80 kilogrammes de carburant pour un vol moyen courrier, par exemple avec un Boeing 737.
Aéroports plus performants et plus sûrs
Troisième outil proposé par la société : AirsideWatch. Il est basé sur les données des radars de contrôle au sol des avions. Ces radars détectent la position et la vitesse au sol de tous les objets qui se déplacent dans un rayon de 60 km des aéroports, notamment les voitures, mais aussi les avions au sol. Ils sont aussi capables d’interroger leurs transpondeurs (dispositifs électroniques fournissant au radar des informations comme le type d’avion ou le numéro de vol). « Nous avons proposé d’utiliser ces données radar pour comprendre comment optimiser la plateforme aéroportuaire, raconte Cindie Andrieu-Dupin, responsable des projets « Aéroports » au sein de Safety Line. Nous fournissons un outil d’aide à la décision pour diminuer la congestion, analyser les temps de roulage des avions, détecter les quasi-collisions, ou encore mieux comprendre les émissions de polluants et le bruit. »
Cet outil est connecté en quasi temps réel au flux radar des aéroports. AirsideWatch nettoie les données pour ne garder que celles utiles, les enrichit avec d’autres informations telles que les accélérations, les temps d’attente de chaque vol… Le gestionnaire d’aéroport peut ainsi visualiser toutes ces trajectoires, et analyser ce qu’il souhaite, par exemple retrouver les trajectoires passées dans une zone spécifique de l’aéroport. Il peut également déterminer toutes les manières de passer d’un point à un autre dans l’aéroport, mais aussi repérer si un avion est passé par un chemin interdit. « Bref, c’est un outil qui permet de mieux comprendre comment la plateforme aéroportuaire est utilisée », précise Cindie Andrieu-Dupin. Avec deux objectifs principaux : d’abord la sécurité, mais aussi l’augmentation des capacités de la plate-forme.
Cécile Michaut