Maximilien Levesque : un physicien converti à l’IA pour la découverte de médicaments
⏱ 3 minPrésident et cofondateur de la start-up Aqemia, qui œuvre à la découverte de nouveaux médicaments, Maximilien Levesque est passé par la case chercheur en physique fondamentale à l’ENS Paris, avant de devenir entrepreneur.
Lors de son parcours, qu’il n’aime pas qualifier de « carrière », Maximilien Levesque a évolué sur tous les plans : de la recherche fondamentale à la recherche appliquée, de la physique quantique à l’intelligence artificielle, et d’un travail de chercheur solitaire à une belle aventure d’équipe à la tête de la start-up Aqemia. Pourtant, cette trajectoire originale avait commencé de manière très classique.
Chercheur passionné de physique fondamentale
Avec un père chercheur à l’Onera (L’Office national d’études et de recherches aérospatiales) qui, très tôt, lui fait apprendre par cœur la vitesse de la lumière et du son, Maximilien Levesque se voit logiquement attiré par le même métier. La physique l’a toujours passionné. Il entame donc des études dans ce domaine, jusqu’à un doctorat en mécanique quantique au CEA Saclay. « Une expérience au cours de laquelle j’ai remis en question ma vocation de chercheur, mais qui s’est avérée, avec le recul, très constructive », confie-t-il. S’en suivent des post-doctorats en physique statistique et mécanique des fluides au sein de l’ENS Paris et des universités d’Oxford et de Cambridge, au Royaume-Uni « J’y ai rencontré des scientifiques brillants que je respecte profondément, raconte-t-il. Ils sont à la fois capables de se poser des questions de fond, d’avoir une hauteur de vue sur leur recherche et d’être très concrètement dans les lignes de code. »
En 2013, à tout juste 27 ans, il décroche un poste de chercheur CNRS au sein de l’École Normale supérieure (ENS). Une étape qu’il ne voit pas du tout comme un aboutissement : « Après avoir varié les sujets avec plaisir à chaque post-doctorat, j’avais cette fois l’opportunité de mener mes propres recherches. » Ce qu’il fait pendant cinq ans au sein de son laboratoire de physico-chimie, comme « un mineur dans sa grotte, qui creuse », aime-t-il se comparer.
La question des applications s’impose un jour
Un matin de 2017, alors qu’il a programmé des alertes sur son ordinateur, notamment avec les mots clés « énergies libres de liaison » sur lesquelles il travaille, Maximilien Levesque reçoit un communiqué de l’éditeur de logiciels Schrödinger. Celui-ci développe la même technologie – un algorithme statistique inspiré de la mécanique quantique – et annonce… la conclusion d’un contrat de 120 millions d’euros avec Sanofi. « C’est là que j’ai compris que mes travaux pouvaient avoir des applications dans la recherche de médicaments. D’autant que ma technologie atteignait la même précision, mais 10 000 fois plus vite ! » L’idée de créer un jour sa start-up commence à germer.
Le physicien oriente alors ses recherches et celles de son groupe vers le « design » de médicaments et se construit une culture nouvelle en biologie. « Il y avait un champ entier d’applications à découvrir ! », raconte-t-il avec enthousiasme. Très vite, son projet prend de l’importance et se voit conforté par deux premiers succès. Fin 2017, son premier article sur le design de médicaments reçoit une récompense internationale de l’American Institute of Physics. Puis remporte le concours Start-Ulm organisé par l’ENS. À cette occasion, il rencontre Olivier Vaury, un ancien de l’École, qui lui conseille de ne pas lancer sa start-up seul, mais de s’associer. « Pour faciliter la rencontre entre les mondes de la recherche et du business », explique-t-il.
L’IA au service de la découverte de nouveaux médicaments
Maximilien Levesque trouve la bonne personne : Emmanuelle Martiano, une ingénieure qui a neuf ans d’expérience de conseil en stratégie au Boston Consulting Group. Complémentaires, ils fondent tous deux Aqemia en juin 2019. En utilisant l’apprentissage automatique et des algorithmes dérivés de la mécanique quantique, leur start-up invente sur ordinateur des molécules innovantes, qui sont des candidats-médicaments prometteurs pour la recherche pharmaceutique. Dans la foulée, le duo effectue une levée de fonds de 1,6 million d’euros et commence à recruter.
Une belle aventure entrepreneuriale commence alors, stimulée par la crise du Covid-19 qui survient début 2020. Dès le mois d’avril, Aqemia entraîne ses algorithmes à trouver de nouvelles molécules qui pourraient combattre ce coronavirus. « Nous collaborons avec des chercheurs en virologie qui nous orientent vers les meilleures cibles thérapeutiques, explique-t-il. À partir d’une cible, comme par exemple les protéines de surface du virus, notre IA génère ensuite des molécules, teste leur affinité, puis apprend à en générer de meilleures. » Des molécules qui sont aujourd’hui en phase de tests sur le virus en laboratoire.
Preuve de son succès, Aqemia vient d’obtenir, fin 2020, un premier contrat commercial avec le géant pharmaceutique Sanofi. La boucle est donc bouclée. Mais au-delà de cette annonce, à 36 ans, Maximilien Levesque est surtout très fier de son équipe de vingt collaborateurs, et de pouvoir désormais dire à ses enfants qu’il contribue à « trouver des médicaments pour soigner des maladies. » Quelque chose de concret, quoi !