
Le Mayflower Autonomous Ship affronte l’Atlantique avec l’IA à la barre
⏱ 3 minPour célébrer le 400e anniversaire du périple historique de ces colons qui quittèrent l’Angleterre à bord du Mayflower en 1620, à la recherche d’une vie meilleure de l’autre côté de l’Atlantique, ce trimaran autonome bardé de capteurs et d’ordinateurs doit traverser l’Atlantique, piloté par une intelligence artificielle embarquée.
Le 16 septembre 1620, le Mayflower, un quatre-mâts de 27 mètres, quitte le port anglais de Plymouth, dans le comté de Devon, au sud-ouest de l’Angleterre. À son bord, 102 passagers fuyant pour la plupart les persécutions religieuses. Deux mois plus tard, ils atteignent le continent nord-américain et cherchent le point de chute idéal. Ce n’est que le 21 décembre que le Mayflower mouille l’ancre devant ce qui allait devenir le « New Plymouth », aujourd’hui plus simplement Plymouth, dans le Massachusetts, à 60 km au sud de Boston.
Les colons découvrent le rude climat de la Nouvelle-Angleterre et le premier hiver emporte la moitié d’entre eux. Les autres doivent leur survie notamment à la générosité de la population autochtone. À l’automne, ils célèbrent leur première récolte au cours d’un festin au menu duquel figure un volatile local, la dinde. C’est le premier Thanksgiving. Aujourd’hui encore, au moins pour la population anglo-saxonne des États-Unis d’Amérique, l’installation de ces « pères pèlerins » est perçue comme un événement fondateur de leur nation.
À l’approche du quatrième centenaire du périple du Mayflower, Brett Phaneuf, un entrepreneur états-unien à la tête de plusieurs sociétés spécialisées dans la construction de navires et submersibles, suggère de célébrer cet anniversaire en reproduisant la traversée historique de l’Atlantique, mais en l’adaptant à l’air du temps. Plutôt qu’un voilier en bois, il propose un navire propulsé par l’énergie solaire pour faire le voyage de Plymouth à… Plymouth. Et qui plus est, il sera autonome, piloté en temps réel par un équipage logiciel faisant la part belle à l’intelligence artificielle. Le 400e anniversaire de la traversée historique du Mayflower sera commémoré par celle du Mayflower Autonomous Ship (MAS).
L’intelligence artificielle embarquée fixe le cap et l’allure
Le projet prend forme, trouve des financements, se concrétise, piloté par ProMare, une société à but non lucratif fondée en 2001 par Brett Phaneuf, qui soutient la recherche et l’exploration marines. Le trimaran solaire autonome est construit, il fait ses premiers ronds dans l’eau… mais début 2020, on comprend que l’année anniversaire sera surtout l’année du Covid-19, et des conséquences que l’on sait sur l’activité économique. Au printemps suivant, une tentative tourne court, à la suite de problèmes techniques. Mais en ce mois d’avril 2022, tout est prêt. Le Mayflower Autonomous Ship (ou Mayflower 400) est un trimaran réalisé en aluminium et matériaux composites, mesurant quinze mètres de long pour six de large et pesant cinq tonnes. Il est bourré de capteurs, d’une informatique embarquée, et s’il est connecté par voie satellitaire à un poste de commandement qui fixe les objectifs et impose des directives générales, c’est une IA embarquée, « edge », qui tient la barre, détermine son cap et son allure.
Le logo le plus visible sur la coque du trimaran est celui d’IBM, le partenaire principal du projet au côté de son initiateur ProMare, et l’intervenant essentiel sur son volet informatique. « Le logiciel embarqué qui pilote le vaisseau comporte essentiellement trois modules, précise Éric Aquaronne, un membre éminent de la IBM Technical Crew du Mayflower. Le premier concerne la vision et plus généralement la perception. Il traite les données provenant de six caméras et de bien d’autres capteurs, notamment un radar, mais aussi une station météo embarquée et le récepteur AIS (Automatic Identification System), qui renseigne sur la position des autres vaisseaux à proximité. Ce module repose sur l’outil IBM Maximo Vision, qui fait appel à l’apprentissage profond. Le second module évalue la situation et prend les décisions, à partir de toutes les données disponibles. Il s’appuie sur l’outil IBM ODM (Operational Decision Manager), qui relève de l’IA symbolique et exploite des règles exprimant l’expertise humaine. Enfin le troisième module optimise les décisions, en faisant appel au produit IBM CPLEX Optimizer, qui repose sur la programmation par contrainte. On peut donc parler d’une intelligence artificielle composite. »
Apprendre à identifier bateaux, bouées, baleines…
Dans sa phase d’apprentissage, le module de vision du Mayflower a été entraîné à partir de plus d’un million d’images enregistrées dans la baie de Plymouth ou provenant de bases de données open source. Il est désormais capable d’identifier tout ce qu’il pourrait croiser sur sa route : bateaux et embarcations de toutes sortes, véliplanchistes et autres adeptes de sports nautiques, bouées, rochers, digues et dispositifs portuaires, cétacés, objets et débris flottants… Le trimaran autonome accumule les sorties en mer depuis deux ans pour roder son intelligence artificielle embarquée.
Le Mayflower Autonomous Ship a appareillé ce mercredi 27 avril en fin de journée. Si tout se passe comme prévu, après avoir laissé derrière lui Plymouth et la côte d’Angleterre, comme l’a fait le Mayflower en 1620, il vogue désormais vers l’autre Plymouth, dans le Massachusetts. Il n’emporte aucun humain, mais le monde entier est invité à se laisser embarquer virtuellement dans cette traversée de l’Atlantique façon XXIe siècle, en se connectant ici sur un tableau de bord très visuel, qui affiche divers paramètres de navigation, une carte visualisant le périple et même des images issues de ses caméras.
Pierre Vandeginste
image en Une : IBM Media Center Gallery