Parkinson : l’IA améliore le diagnostic
⏱ 3 minSelon l’ONU, plus d’un humain sur mille souffre de la maladie de Parkinson. Afin d’améliorer son diagnostic, des chercheurs ont recours à l’apprentissage automatique pour détecter des symptômes furtifs, notamment dans la démarche ou la respiration nocturne des patients.
Chaque année, la France recense environ 25 000 nouveaux cas de la maladie de Parkinson. Cette maladie neurodégénérative résulte de la destruction de certains neurones et se traduit par des troubles moteurs comme des tremblements, associés à d’autres non-moteurs, comme des troubles cognitifs. Aujourd’hui son diagnostic repose sur l’observation clinique de symptômes comme les tremblements au repos, la rigidité musculaire et la lenteur dans les mouvements. Mais l’intelligence artificielle pourrait apporter son concours en détectant des signaux plus discrets.
Analyser la démarche des patients…
« Il y a beaucoup de symptômes, c’est difficile de trouver “la” combinaison de signes permettant le diagnostic de Parkinson », explique Fabio Augusto Barbieri, professeur à l’université Estadual Paulista de São Paulo, au Brésil, qui estime que les modèles d’IA rendront plus précis le diagnostic. Avec son équipe, il a développé un modèle de machine learning qui analyse les paramètres de la démarche des personnes atteintes, ou non, de la maladie de Parkinson. Leurs résultats ont été publiés1 tout récemment dans la revue Gait & Posture. Grâce à leur modèle, ils ont déterminé que la taille des pas, la vitesse de la marche, l’écartement des pieds et la variation de cet écartement sont quatre critères significatifs pour le diagnostic de Parkinson.
Pour obtenir ce résultat, ils ont filmé 63 patients atteints de la maladie de Parkinson et 63 personnes indemnes, constituant un groupe témoin, pendant une marche “normale”. Avec ces données, ils ont entraîné plusieurs algorithmes de machine learning afin de déterminer lequel confirmerait le mieux le diagnostic clinique. Le meilleur modèle obtenu délivre le bon diagnostic dans 84 % des cas. « Nous en sommes convaincus : les paramètres de la démarche peuvent compléter les signes cliniques, donc améliorer le diagnostic de la maladie », assure Fabio Augusto Barbieri.
…ou leur respiration nocturne
D’autres modèles d’IA ont été proposés pour renforcer ce diagnostic, et pas seulement en analysant la démarche des patients. Des chercheurs du MIT ont, notamment, entraîné un modèle de machine learning qui analyse les signaux de la respiration nocturne des patients pour diagnostiquer la maladie de Parkinson mais aussi prédire son évolution. Les données ont été enregistrées pendant leur sommeil auprès de 757 patients diagnostiqués Parkinson et de 6 914 personnes jouant le rôle de groupe témoin. Dans leur publication2 d’août 2022, les chercheurs indiquent que la maladie de Parkinson a été correctement détectée dans 86 % des cas. « C’est une approche prometteuse, estime Fabio Augusto Barbieri, car les patients pourraient la mettre en œuvre chez eux. »
Pour le chercheur brésilien, il est trop tôt pour déterminer quelle méthode a le meilleur potentiel : « C’est délicat de comparer un algorithme basé sur la démarche et un autre sur la respiration. Pour l’instant il faut développer les meilleurs possibles et après seulement on pourra les comparer. » Si les chercheurs se tournent vers l’IA pour diagnostiquer la maladie de Parkinson et suivre son développement en analysant la démarche, la respiration ou encore l’écriture manuscrite des patients, c’est parce que ces approches permettent de compléter de manière non invasive l’évaluation clinique, et ainsi de renforcer la fiabilité du diagnostic.
L’IA peut encore se rendre utile au-delà du diagnostic
L’intelligence artificielle peut également apporter son concours bien au-delà du diagnostic. Si aucune véritable thérapie n’est à l’heure actuelle disponible contre la maladie de Parkinson, on dispose de quelques outils pour en alléger les symptômes. En particulier, la “stimulation cérébrale profonde” est efficace chez certains cas sévères. Il s’agit d’implanter dans une zone bien précise du cerveau des électrodes qui délivreront un signal ayant pour effet d’atténuer certains symptômes, notamment les tremblements caractéristiques de la maladie. Pour installer cet implant, le chirurgien doit identifier la zone du cerveau à stimuler, mais ce repérage est complexe. Deux chercheurs français, Emmanuel Cuny et Nejib Zemzemi, ont créé la startup RebrAIn dont la mission est d’améliorer le positionnement3 de ces électrodes, à l’aide d’un logiciel faisant appel à l’apprentissage automatique. Pour entraîner leur modèle, ils ont utilisé des données de patients déjà opérés et continuent de le faire pour améliorer la précision du modèle.
Mais avant que ces outils reposant sur l’IA ne se banalisent, il est nécessaire de prendre la mesure des biais qu’ils peuvent comporter. Surtout, comme l’avoue Fabio Augusto Barbieri, que « c’est quelque chose qu’il est difficile de mesurer… » C’est là un enjeu important, notamment pour que les modèles soient aussi fiables quelque soient les origines, le parcours, les singularités de chaque patient.
Charlotte Mauger
1. Marta Isabel A.S.N Ferreira et al. Machine learning models for Parkinson’s disease detection and stage classification based on spatial-temporal gait parameters. Gait & Posture, oct. 2022. doi.org
2. Yuzhe Yang et al. Artificial intelligence-enabled detection and assessment of Parkinson’s disease using nocturnal breathing signals. Nature Medicine, août 2022. doi.org
3. Julien Engelhardt et al. Clinical VIM targeting for deep brain stimulation based on an augmented intelligence. The RebrAIn solution. Brain Stimulation, nov. 2021. doi.org