Quand l’achat de publicité devient une science
⏱ 4 minLa start-up Scibids promet aux annonceurs d’améliorer le retour sur investissement de leurs dépenses publicitaires sur internet. Ses algorithmes d’achat, à base de machine learning, optimisent automatiquement les conditions de diffusion des bannières publicitaires.
En matière de publicité, les temps changent. Sur internet, désormais, plus de la moitié des espaces publicitaires sont vendus non plus de manière traditionnelle, de gré à gré entre annonceurs et diffuseurs, mais aux enchères en temps réel. Un protocole baptisé « real-time bidding » en anglais, ou RTB. Pour chaque emplacement publicitaire disponible, les annonceurs – ou plus exactement les agences travaillant pour le compte de ces derniers – décident de miser plus ou moins, selon de nombreux critères, tels que la taille de la bannière ou encore le contenu de la page web où elle apparaît. Et la publicité du meilleur enchérisseur s’affiche. Totalement automatisée, l’opération ne prend que quelques fractions de secondes sans que l’internaute se rende compte de quoi que ce soit.
À ce jeu de vente aux enchères, une start-up française vient changer la donne. Créée en 2016, Scibids, c’est son nom, propose aux agences publicitaires une solution d’intelligence artificielle pour déterminer les conditions de diffusion d’une publicité les plus favorables, et payer ainsi le meilleur prix possible pour chaque enchère – en misant plus sur les publicités estimées les plus efficaces et moins sur les autres. Avec l’objectif de faire baisser significativement le coût d’une campagne publicitaire.
Au centre de la vente aux enchères de publicités sur internet, on trouve les données nous concernant. Il y a les cookies, ces petits morceaux de textes insérés dans notre navigateur par les sites web qu’on visite, et qui révèlent ainsi nos habitudes de navigation et nos divers centres d’intérêt. Il y a aussi notre adresse IP, qui permet de nous localiser géographiquement. On peut également savoir à quelle heure de la journée un internaute est le plus actif en ligne.
À la lumière de toutes ces informations, les grandes marques tentent d’adresser la bonne publicité à la bonne personne et au bon moment. Lorsqu’elles utilisent le RTB, les agences enchérissent dès lors plus sur des bannières à destination d’internautes appartenant à la cible qu’elles visent. « Le problème, c’est que le paramétrage des campagnes publicitaires par RTB (type d’internaute ciblé, prix maximum d’enchère, type de média requis…) reste encore largement manuel, note Rémi Lemonnier, cofondateur de Scibids. Impossible dans ces conditions de tirer partie des millions de données générées chaque seconde au cours d’une campagne. »
C’est précisément ce manque que vient combler la solution proposée par la jeune pousse de 15 personnes. Pour chaque bannière affichée, des algorithmes de machine learning passent au crible une cinquantaine de variables : sites web où sont apparues les publicités, géolocalisation de l’internaute, heure de la journée, appareil utilisé (ordinateur, téléphone, tablette), type de navigateur… Au fur et à mesure que la campagne avance et qu’elle génère des événements positifs pour l’annonceur (clics sur les bannières, achats, remplissages de formulaire…), le logiciel parvient ainsi à déterminer, sans a priori sur la cible à atteindre, les combinaisons les plus performantes. Et peut alors prédire l’efficacité relative des bannières qui seront mises aux enchères par la suite.
En fonction du budget alloué pour une campagne et des objectifs de performance à atteindre, la solution calcule, sur les millions de bannières mises aux enchères tous les jours, la stratégie la plus efficace au prix le plus bas possible. Résultat : « Ce qu’on promet à nos clients et qu’on observe en moyenne c’est un rapport coût-performance deux fois meilleur, avance Rémi Lemonnier. Avec notre solution, un annonceur peut vendre deux fois plus de produits pour le même budget publicitaire. »
Au-delà des simples bannières publicitaires, les algorithmes de Scibids font aussi leurs preuves sur d’autres supports. Récemment, la start-up est ainsi parvenue à dénicher les meilleurs sites web pour diffuser des vidéos destinées à renforcer l’image d’une marque, le but recherché par l’annonceur étant que les internautes regardent le clip jusqu’au bout. « Avec nos méthodes d’apprentissage, nous avons trouvé des « joyaux cachés », des sites beaucoup moins connus que YouTube, par exemple, pour diffuser des vidéos, mais tout aussi efficaces, voire plus, et surtout où les emplacements vidéo reviennent moins chers à l’achat », se réjouit Rémi Lemonnier.
L’autre force de l’entreprise, qui compte aujourd’hui une quarantaine de clients à travers le monde – en France, aux États-Unis et en Australie notamment –, c’est le côté flexible de ses algos. Outre les grandes plateformes d’achats ouvertes sur tout le web, la solution s’intègre aussi depuis peu chez Facebook, où les bannières publicitaires font également l’objet d’enchères. « Avec ce réseau social, la difficulté c’est qu’il n’y a pas de données disponibles publicité par publicité mais seulement un rapport condensé sur le nombre d’événements positifs générés par ces annonces, explique Rémi Lemonnier. Mais, en adaptant nos méthodes d’apprentissage automatique, nous réussissons tout de même à enchérir de façon efficace. »
La start-up française ne compte pas s’arrêter là. Elle continue à perfectionner l’intelligence apportée par ses algorithmes pour pouvoir séduire davantage de clients. « Le marché de la publicité en ligne est aussi complexe en termes de données à traiter que le secteur du trading bancaire. Pourtant, les outils de pilotage sont encore rares dans ce secteur pour prendre les bonnes décisions. Avec notre solution, nous sommes bien déterminés à faire changer les choses », conclut l’entrepreneur.
Julien Bourdet