Stanley Durrleman :
la modélisation au service de la recherche sur les maladies neurodégénératives
⏱ 3 minChercheur en modélisation et apprentissage statistique, Stanley Durrleman met depuis dix ans son expertise au service de la médecine, et plus particulièrement de la recherche sur les maladies neurodégénératives comme Alzheimer.
Docteur en mathématiques appliquées, chercheur et maintenant directeur de recherches, le parcours de Stanley Durrleman semble à première vue très classique. Sauf que ce mathématicien diplômé d’écoles d’ingénieurs travaille depuis une dizaine d’années dans la recherche appliquée en médecine à l’Institut du Cerveau (ICM), à Paris. Ses travaux lui ont d’ailleurs valu de recevoir en 2020 le Prix du jeune chercheur Inria-Académie des Sciences. Comment en est-il arrivé là ? À l’écouter, c’est à la fois une histoire de hasard, de rencontre et de goût du challenge.
Essayer la recherche avant de se lancer
Bon élève à l’école, avec même une certaine appétence pour les matières littéraires, le jeune Stanley Durrleman se « laisse porter par le système scolaire » avoue-t-il. Son grand frère s’oriente vers les mathématiques ? Il fait de même sans trop réfléchir. Son bac en poche, il quitte donc la région de Valence où il a grandi pour intégrer une classe préparatoire à Lyon, puis l’Ecole Polytechnique à Palaiseau. S’ensuivent un Master Mathématiques, Vision, Apprentissage (MVA) à l’ENS Paris-Saclay en 2005, puis un diplôme à Telecom Paris l’année suivante. La possibilité de poursuivre par une thèse s’offre à lui : « J’avais toujours été attiré par la complexité des choses, mais c’est vraiment à ce moment-là que la recherche a commencé à m’intéresser », se souvient-il.
Un concours de circonstances fait qu’il atterrit comme doctorant dans l’équipe INRIA Asclépios de Nicholas Ayache, pionnier de l’analyse informatique des images médicales. Ces trois années à décortiquer son sujet, à la frontière entre statistiques et géométrie différentielle, ont valeur de test. Verdict ? La recherche lui plaît définitivement ! En toute logique, il poursuit donc en 2010 par un post-doctorat à l’université de l’Utah, à Salt Lake City. « Partir à l’étranger m’avait toujours tenté et en particulier aux Etats-Unis, un pays qui compte beaucoup dans la recherche scientifique ».
Faire progresser la médecine grâce à des algorithmes prédictifs
C’est à cette même époque qu’il entend parler du projet de l’Institut du Cerveau (ICM) qui prend forme à Paris. « Cet endroit, qui regroupait toutes les activités de recherche en neurosciences sur un même site, me semblait idéal, explique-t-il passionné. J’avais envie d’y travailler et d’apporter ma contribution dans ce domaine ». Comme il a quelques contacts là-bas et que l’INRIA, où il a fait sa thèse, souhaite se renforcer dans ce domaine, « l’alignement des planètes », comme il le dit, s’opère. À son retour des Etats-Unis en 2011, il intègre alors l’ICM comme chercheur.
Composée à la fois de mathématiciens, d’informaticiens et de neurologues, son équipe baptisée Aramis est pluridisciplinaire et ancrée au cœur de l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière. « Beaucoup m’ont découragé d’y aller, pensant – à tort – que mes travaux étaient trop abstraits pour intéresser les médecins », raconte-t-il avec le sourire. Mais lui y croit. L’objet de ses recherches ? La modélisation et l’apprentissage statistique appliqués aux maladies neurodégénératives comme Alzheimer, Parkinson ou encore la chorée de Huntington. Pour cela, il s’appuie sur plusieurs bases de données d’images cérébrales et d’observations cliniques, relatives à plus de 25 000 patients. « Nos algorithmes n’apportent pas vraiment de connaissances supplémentaires sur ces pathologies du cerveau, ce qui peut paraître au premier abord frustrant, explique-t-il. Mais ils permettent de rassembler toutes les pièces du puzzle au même endroit pour prédire comment ces pathologies vont évoluer dans le temps, et ainsi faciliter la mise au point de traitements ».
Pousser encore plus loin la recherche appliquée
Désormais co-responsable de l’équipe depuis 2019, Stanley Durrleman pilote deux expérimentations très concrètes. L’une sur un outil numérique d’aide à la décision pour les neurologues à l’Institut de la Mémoire et de la Maladie d’Alzheimer de la Pitié-Salpêtrière ; l’autre en vue d’optimiser les essais cliniques de médicaments effectués par l’industrie pharmaceutique. Sanofi, avec qui il a noué un contrat, lui a d’ailleurs remis un iDEA Award en 2019.
C’est en faisant de la recherche appliquée qu’il se sent à sa place : « Je suis heureux d’avoir parcouru tout ce chemin : de l’innovation mathématique pure au départ jusqu’à déployer aujourd’hui des outils qui peuvent améliorer la prise en charge des malades ». Mais il ne compte pas s’arrêter là. À quarante ans et après dix ans de recherche académique, Stanley Durrleman souhaite pousser son projet à un niveau de maturité plus élevé en créant prochainement une start-up. « Une dernière étape qui me semble naturelle et que je prends comme un nouveau challenge », conclut-il, histoire de ne rien regretter…
Laure Blancard
Image de une : ©Antoine Bonvoisin