Stéphane Canu :
au service de l’IA et de la mobilité de demain
⏱ 3 minProfesseur à l’Insa de Rouen, Stéphane Canu travaille depuis plus de trente ans sur l’intelligence artificielle. Figure de ce domaine, il est désormais chargé de mission IA au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et pilote le projet RAIMo, qui vise à rendre les futurs véhicules autonomes plus sûrs.
C’est l’histoire d’un parcours « typiquement atypique », comme il dit en riant. A 62 ans, Stéphane Canu se retourne volontiers sur sa longue carrière – qui n’est pas encore terminée – et prévient d’entrée : « L’envie de travailler dans la recherche en informatique est venue sur le tard. Enfant, je voulais plutôt être journaliste pour mieux comprendre le monde ». Mais étant dyslexique avec des difficultés en écriture, il abandonne rapidement l’idée. D’autant qu’il se découvre le goût pour les mathématiques à l’école.
Tout d’abord ingénieur agronome de formation
Après un bac scientifique, le jeune banlieusard entre en classe préparatoire dans le prestigieux lycée parisien Janson-de-Sailly, puis intègre l’école nationale supérieure agronomique de Rennes (Ensar). Mais une opportunité de stage dans un laboratoire d’informatique de l’université de technologie de Compiègne (UTC), va tout changer. Stéphane Canu y travaille sur la modélisation des systèmes biologiques et rencontre Jean-Pierre Kernévez, qui le convainc de poursuivre par une thèse. « C’est là, à la fin des années 1980, que j’ai commencé à travailler sur les réseaux de neurones. », explique-t-il.
Titulaire d’un doctorat en mathématiques appliquées en 1985, il devient enseignant-chercheur à l’UTC, puis maître de conférences en 1991. Il enseigne alors avec plaisir l’algorithmique, le génie logiciel ou encore les statistiques. Ensuite, c’est l’évolution logique : il passe son habilitation à diriger des recherches (HDR) en 1995 et devient professeur à l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Rouen deux ans plus tard. Pourquoi Rouen ? Là encore, c’est une histoire de rencontre : « Gilbert Touzot, un ancien de l’UTC devenu directeur de l’INSA de Rouen, m’a proposé de candidater pour monter un nouveau département de formation d’ingénieurs dans le domaine des sciences et technologies de l’information, raconte-t-il. Et comme je venais moi-même d’une école d’ingénieurs, cela me paraissait logique. »
Des recherches remarquées en apprentissage statistique
Premier directeur du département Architecture des systèmes d’information, qui ouvre en 1999, Stéphane Canu devient trois ans après directeur du service informatique de l’INSA de Rouen tout en continuant, en parallèle, ses recherches sur les “machines à noyaux” au sein du laboratoire PSI (devenu le Litis en 2005). Ses travaux en apprentissage statistique commencent à être remarqués. Au point qu’il part un an avec sa famille en Australie, entre 2003 et 2004, pour travailler à la Australian National University (ANU) de Canberra. « Ce fut une expérience extraordinaire, personnellement comme professionnellement, car j’ai côtoyé sur place des chercheurs de grand talent », se souvient-il. C’est donc avec une vision différente de la recherche et un réseau solide qu’il rentre en France.
En 2005, il prend alors la direction du Laboratoire d’informatique, du traitement de l’information et des systèmes (Litis) jusqu’en 2012. Cette unité de recherche, qui travaille en lien avec des jeunes pousses locales, implique les trois principaux établissements d’enseignement supérieur de la Haute-Normandie : l’université de Rouen, l’université du Havre et l’Insa. Les années suivantes, il cumule les responsabilités : membre, puis assesseur au Conseil national des universités pendant sept ans, directeur adjoint de la Fédération normande de recherche en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication (NormaSTIC) pendant six ans, chargé de mission scientifique au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) pendant un an…
Sa nouvelle mission : dynamiser la filière IA en France
En parallèle, même s’il enseigne de moins en moins, Stéphane Canu poursuit ses recherches en apprentissage statistique au sein du Litis : « Evaluer la robustesse et la sécurité des réseaux de neurones en les décortiquant, c’est véritablement ce qui me passionne », explique-t-il. Si bien qu’en 2019, il est lauréat d’une chaire IA de l’Agence nationale de la recherche (ANR). D’une durée de quatre ans, son projet RAIMo (“a Road toward safe Artificial Intelligence in Mobility”, soit « Vers une intelligence artificielle sûre pour la mobilité ») porte sur l’utilisation des réseaux de neurones profonds dans les véhicules autonomes. Selon lui, « avant que ce futur proche ne devienne réalité et que nos routes soient plus sûres grâce à des algorithmes remplaçant les conducteurs humains, il est nécessaire de mesurer la qualité des décisions prises. »
Et ce n’est pas tout ! L’autre moitié de son temps, il est désormais chargé de mission IA au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Son rôle ? Contribuer à développer ce domaine en France, mettre en place des collaborations internationales… Encore une nouvelle casquette qui le pousse à continuer, et à ne pas penser à la retraite.