Caroline Chavier : « Nous encourageons les femmes à présenter leurs travaux en conférences »
⏱ 5 min[vc_row][vc_column][vc_column_text]Head of Tech Talent Acquisition chez Agorize, Caroline Chavier a cofondé le « chapitre » parisien de WiMLDS (Women in Machine Learning & Data Science), qui réunit déjà presque 2 300 femmes en dix-huit mois d’existence. L’objectif : promouvoir des exemples inspirants pour convaincre les femmes de leur légitimité dans leur domaine d’expertise en intelligence artificielle et les aider à se mettre en lumière. Entretien.
Quel est le constat ? Quelle est la part de femmes chercheuses ou ingénieures en data science ?
Caroline Chavier : Dans son rapport, Cédric Villani indique que les femmes ne représentent que 33 % des effectifs dans le numérique, et moins de 12 % si l’on écarte les fonctions transversales et supports. Il rappelle les biais que ce manque de diversité peut induire dans la conception des programmes, l’analyse des données et l’interprétation des résultats. Au-delà de ces chiffres, ce que je constate dans les conférences auxquelles j’assiste en tant que recruteuse, c’est que les femmes qui sont présentes sont en plus très peu visibles, rarement sur scène pour présenter leurs travaux. Et celles qui prennent la parole sont malheureusement sur-sollicitées. Un phénomène en grande partie lié au manque de confiance en elles de bon nombre de femmes : elles pensent qu’elles n’ont rien d’intéressant à dire, ou n’ont pas l’habitude de présenter les projets sur lesquels elles travaillent. Partageant ce constat avec Chloé-Agathe Azencott, chercheuse en data science au centre de bio-informatique de Mines ParisTech, nous avons décidé de tordre le cou à ce phénomène. Nous avons créé le « chapitre » parisien de WiMLDS !
Racontez-nous ça ? Qu’est-ce que le WiMLDS ?
C. C. : Le Women in Machine Learning & Data Science (WiMLDS) a été créé en 2013 par Erin LeDell, Chief Machine Learning Scientist d’H2O.ai dans le but d’encourager les femmes à présenter leurs travaux. Elle s’est inspirée du workshop WiML (Women in Machine Learning) de la conférence NeurIPS (Neural Information Processing Systems, ex NIPS) pour créer des meet-up organisés via le réseau social éponyme, des événements comme il en existe dans le monde entier pour que les gens se rencontrent autour d’une variété de thèmes. Les meet-up de WiMLDS ont pour objectif de mettre les femmes de la data science en lumière. WiMLDS compte aujourd’hui 27 000 membres à travers le monde. En seulement cinq ans, 350 meet-up ont eu lieu dans 62 villes de 20 pays, sur 6 continents (on parle de 62 « chapitres »). Avec Chloé-Agathe Azencott, nous avons créé le deuxième chapitre européen, à Paris, après Zurich, en Suisse. Notre premier meet-up a eu lieu en septembre 2017, nous en avons depuis organisé 13, et reçu 46 intervenantes. Nous sommes aujourd’hui cinq à animer Paris WiMLDS.
Que se passe-t-il au cours de vos meet-up ?
C. C. : Je voudrais d’abord souligner que les meet-up WiMLDS Paris donnent la parole à des femmes mais sont ouverts à tout le monde. Nous ne voulons pas reproduire le biais inverse ! Notre but est d’être un événement scientifique et technique reconnu. Nous misons donc sur la qualité des interventions. Et nous sommes satisfaites de constater qu’aujourd’hui notre public est composé de 60 % de femmes et 40 % d’hommes. Les meet-up ont lieu entre 19 h et 21 h, environ tous les deux mois dans divers lieux, des entreprises ou des institutions académiques qui nous accueillent. Ils sont gratuits et réunissent entre 80 et 100 personnes. Ils comportent deux présentations, l’une académique, l’autre industrielle, suivies d’un atelier interactif avec tables rondes, discussions, tutoriels autour de divers sujets comme la préparation d’un entretien en machine learning, la négociation salariale, l’entrepreneuriat, un éclairage économique… Le tout se termine par un cocktail.
Pouvez-vous nous citer quelques-unes des présentations passées et à venir ?
C. C. : Tous les résumés de nos sessions sont sur notre page Medium. Au-delà de la qualité de ces exposés, ce dont nous sommes le plus fières est que 50 % de nos intervenantes prennent la parole pour la première fois, toujours sur des sujets techniques comme la présentation d’un algorithme. Par exemple, Betty Moreschini a présenté pour la première fois le système de recommandation de Vente Privée en juin 2018. Depuis, elle a fait des présentations au Paris Machine Learning Group et à Codeurs en Seine, car elle a adoré cette expérience. Il en est de même pour Nathalie Lamy, CTO chez Netatmo qui encourage désormais ses propres équipes à faire des présentations depuis qu’elle a montré l’exemple.
Exceptionnellement, nous avons organisé un meet-up « hors-série » intitulé « Femmes, Science et Société », le 28 mars 2019, au cours duquel nous avons accueilli Nicole El Karoui, professeure émérite de mathématiques appliquées à Sorbonne universités, chercheuse en mathématiques financières et longévité à Paris VI et à l’ École polytechnique, et Hélène Périvier, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, directrice du programme PRESAGE de Sciences Po consacré à l’enseignement sur le genre.
Comment souhaitez-vous poursuivre cette initiative ?
C. C. : Outre les prochains meet-up parisiens, pour lesquels nous cherchons également des financements pour pouvoir inviter des intervenantes de toute la France et de l’étranger, à l’avenir, nous souhaitons faire perdurer un partenariat lancé avec la communauté scikit-learn, qui regrettait d’avoir seulement une femme dans la liste de ses contributeurs lors de son sprint de l’année dernière, en France. Cette année, Scikit-learn a proposé trois places à des personnes issues d’une minorité sous-représentée. En deux jours, nous avons eu plus de trente candidatures, preuve que le vent est en train de tourner. Notre rêve est d’ailleurs que nos meet-up WiMLDS n’existent plus ! Qu’on atteigne la parité dans les présentations tout comme le monde de la recherche et de l’entreprise [lire « La parité homme/femme : encore du chemin à faire », ci-dessous, NDLR]. Ce n’est pas forcément pour demain… En attendant, pour ma part, depuis février 2019, j’ai rejoint l’équipe mondiale de WiMLDS afin d’aider sur des sujets de communication et d’infrastructure auprès des nouveaux chapitres. En parallèle, je travaille actuellement sur l’organisation de la conférence RecSys qui se tiendra à Copenhague en septembre prochain. Je suis en charge des questions en lien avec la diversité et l’inclusion aux côtés d’Humberto Corona.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_empty_space][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_empty_space][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_cta h2= » »]
La parité homme/femme : encore du chemin à faire…
Cédric Villani souligne que le déclin des femmes dans les métiers de l’informatique est un phénomène alarmant qui ne cesse de s’aggraver. Il évoque une crise d’orientation dans les filières d’excellence du numérique et une nette régression de la part des femmes en informatique – moins de 10 % dans les écoles d’ingénieur en informatique en 2016 – alors qu’elle augmente dans toutes les filières scientifiques et techniques.
Sans surprise, on retrouve ces mêmes ordres de grandeur dans les entreprises (hors fonctions transversales et supports) ou dans la recherche en machine learning. Ainsi, si l’on se réfère à l’étude d’Element AI sur la répartition homme/femme des publications en machine learning (aux conférences NIPS, ICML et ICLR en 2017) concernant 4 000 chercheurs de 23 pays, le taux moyen de publications masculines est de 88 % pour 12 % de publications féminines (figure ci-dessous). La France est un peu au-dessus de cette moyenne avec presque 15 % des publications faites par des femmes.
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Propos recueillis par Isabelle Bellin
Illustration à la une, © WiMLDS.
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