Les promesses de l’IA quantique
⏱ 3 minL’informatique quantique n’est plus un rêve lointain de physicien. Ces dernières années, des acteurs comme Google, IBM, D-Wave ou Pasqal ont présenté des avancées majeures en matière de calcul quantique, présageant de futures applications prometteuses. Notamment en apprentissage automatique.
Le 9 novembre 2022, IBM dévoilait Osprey, un nouveau processeur quantique doté de 433 bits quantiques ou « qubits », l’unité de base du calcul quantique. Un record ! Et ce n’est qu’un début : la firme américaine prévoit de doubler chaque année sa puissance de calcul pour atteindre 4 000 qubits d’ici à 2025. De son côté, Google annonçait en 2019 avoir atteint ce que le physicien américain John Preskill a baptisé en 2012 la « suprématie quantique ». Sycamore, son calculateur quantique doté de 54 qubits, est en effet parvenu à résoudre en trois minutes un problème qu’aucun ordinateur classique n’aurait pu traiter en un temps raisonnable. Cette preuve de concept, pourtant sans aucune application réelle et par ailleurs en partie remise en cause depuis, a fait forte impression.
Car tout l’intérêt d’un ordinateur quantique réside là : exécuter des calculs hors de portée d’un ordinateur classique. Ces dernières années, les progrès sont fulgurants. Porté par un écosystème mêlant industriels, startups et académiques, l’informatique quantique – autrefois rêve de physicien – prend corps. Et les applications potentielles sont nombreuses. « Une application particulièrement prometteuse est l’optimisation des algorithmes de machine learning, souligne Xavier Vasques, directeur technique d’IBM France et “distinguished data scientist”. Nous avons publié plusieurs articles scientifiques à ce sujet, dont un en 2021 dans Nature Physics fournissant pour la première fois une preuve théorique de l’accélération exponentielle de la vitesse d’apprentissage de certains algorithmes ». Voilà qui pourrait donner un coup de fouet à des applications comme la vision artificielle, le traitement automatique du langage, la recommandation en ligne, la détection de fraude, l’analyse du risque, etc.
Superposition et intrication
Cette accélération exponentielle est rendue possible par deux propriétés aussi étranges qu’extraordinaires de la mécanique quantique : la superposition et l’intrication. Contrairement à un ordinateur classique qui manipule des bits d’information, de valeur “0” ou “1”, selon par exemple que le courant passe, ou non, à travers un transistor, un ordinateur quantique utilise des qubits. Concrètement, un qubit est un système physique (atome, ion, électron, photon…) qui obéit à des lois totalement contre-intuitives. Oubliez tout ce que vous saviez du fonctionnement d’un ordinateur classique ! Car un qubit peut être dans l’état “0” ou “1” mais aussi dans une superposition de “0” et de “1”. C’est-à-dire dans ces deux états à la fois. Cette propriété d’ubiquité permet aux machines quantiques de traiter plusieurs informations simultanément.
La superposition n’est pas le seul phénomène sur lequel s’appuie le calcul quantique. Il faut lui ajouter l’intrication. En effet, deux qubits ou plus peuvent être intriqués : leurs états (“0”, “1”, ou une superposition de “0” et “1”) sont alors corrélés quelle que soit la distance qui les sépare. « Pour faire simple, si l’on connaît l’état d’un qubit (atome, ion, électron, photon…), alors on connaît instantanément celui des autres avec lesquels il est intriqué, explique Xavier Vasques. » Agir sur un seul qubit d’un système quantique intriqué revient ainsi à agir sur tous les autres simultanément.
Des calculs massivement parallèles
Grâce à la superposition et l’intrication, un ordinateur quantique pourrait donc exécuter des calculs massivement en parallèle quand un processeur classique doit réaliser des calculs de façon itérative. En pratique, ces calculs quantiques sont obtenus en appliquant aux qubits des opérations ou « portes quantiques » dont la succession forme des algorithmes quantiques. Ces portes quantiques sont les homologues des portes logiques de nos ordinateurs classiques, à ceci près qu’elles jouent sur les propriétés quantiques des qubits pour exécuter des calculs plus complexes, plus rapidement.
Les ordinateurs quantiques devraient notamment permettre de simuler très précisément des systèmes physiques ou chimiques pour la découverte de nouveaux matériaux, mais également d’accélérer la vitesse d’apprentissage des algorithmes de machine learning. Dans quelle mesure, et quels types d’algorithmes ? « C’est tout l’enjeu des recherches que nous menons actuellement : tester nos prototypes de processeurs quantiques sur différents algorithmes d’apprentissage afin de trouver lesquels pourraient tirer le meilleur parti du calcul quantique », conclut Xavier Vasques. Un champ de recherche passionnant et en pleine effervescence que nous détaillerons dans un prochain article.
Gautier Cariou
Photo en une : Vue partielle du prototype de calculateur quantique Osprey d’IBM © IBM