
La data science au service des robots : s’intégrer à l’environnement
⏱ 3 minÀ l’avenir, de plus en plus de robots seront immergés dans des environnements ouverts bien plus complexes qu’un poste de travail en usine. Divers outils de traitement de données sont développés pour leur permettre de s’y intégrer correctement…
Jusqu’ici, en matière de robots, le gros des bataillons évoluait dans des cages en usines, des environnements parfaitement connus et strictement contrôlés. Mais à l’avenir, nombre d’entre eux devront agir dans des milieux de plus en plus ouverts : lieux publics, foyers, maisons de retraite, entreprises… Autant de lieux peuplés d’objets statiques ou en mouvement qu’ils devront reconnaitre et avec lesquels ils interagiront. Leur première grande caractéristique consistera donc à collecter et à traiter en temps réel des données sur le milieu dans lequel on les immergera.
Quand les robots font du SLAM
L’objectif est d’abord de rendre son environnement compréhensible au robot afin qu’il parvienne à s’y localiser, et à y naviguer pour accomplir ses missions. Pour cela, les ingénieurs peuvent les doter de divers capteurs capables de mimer – voire dans certains cas de surpasser – nos cinq sens : caméras haute définition et lidars, GPS, radars, capteurs haptiques et d’efforts, détecteurs acoustiques… Autant de capteurs dont la performance ne cesse d’augmenter… et le coût de baisser.
Mais le défi sera bien sûr de réussir à traiter toutes les données que ces capteurs collecteront. Voilà pourquoi de nombreuses technologies de data science sont développées pour la robotique. « Des chercheurs développent par exemple des algorithmes de localisation et cartographie simultanées, plus connus sous le sigle anglais « SLAM » pour Simultaneous Localisation and Mapping », indique Philippe Bidaud, directeur scientifique du domaine « Traitement de l’information et systèmes » à l’Onera et ancien responsable du GDR Robotique du CNRS de 2010 à 2014. Dans la pratique, ces algorithmes permettent au robot de se localiser dans un environnement inconnu sur la base des données fournies par ses divers capteurs, tout en construisant ou en améliorant en même temps une carte des lieux visités. « Les recherches sont en effet extrêmement actives pour développer des algorithmes qui permettent de reconstruire une carte à partir de multiples informations provenant non seulement du robot mais aussi potentiellement d’autres senseurs installés dans l’environnement ou sur d’autres robots », confirme Pierre-Yves Oudeyer, directeur de recherche à l’Inria.
Des données très bruitées
Mais cette reconnaissance de l’environnement repose sur une foule de données très « bruitées ». Pour parvenir à les exploiter, les roboticiens recourent souvent à des algorithmes d’apprentissage supervisé capables de traiter ces données de type stochastique. Le principe est le suivant : le robot passe une première fois et collecte ces données très bruitées, puis dans le jeu de données collecté, ces algorithmes essayent de reconnaitre un jeu de données associé à une position préalable connue… et ainsi de suite de proche en proche. « Mais parfois, certaines zones de l’environnement sont très homogènes en termes de couleur, de texture, de formes.., indique Philippe Bidaud. Tout l’enjeu est alors de développer des algorithmes capables de reconnaitre des éléments fortement discriminants qui serviront de points de repères au robot, comme par exemple l’encadrement d’une porte sur un grand mur blanc totalement homogène. »
Un défi majeur est également de développer des méthodes d’apprentissage permettant au robot d’acquérir des modèles de la dynamique de son propre « corps » et de son interaction avec de nouveaux objets. « Pour que les robots puissent manipuler des objets de plus en plus complexes, il nous faut en effet progresser dans l’élaboration d’algorithmes de contrôle, capables de coupler en temps réel les données de senseurs de toucher et de forces et les mouvements des actionneurs », précise Pierre-Yves Oudeyer.
Des recherches sont également en cours pour développer des algorithmes d’apprentissage non supervisé. Il s’agit notamment de réseaux de neurones profonds et récurrents, capables de reconnaitre des enchainements de séquences temporelles à fort contenu sémantique et de leur donner un sens. Exemple type : des robots capables de reconnaitre des comportements humains particuliers dans des séquences vidéos : un homme qui lace ses souliers, déplace une caisse, farfouille dans ses poches, etc. « Les data scientists développent aussi des algorithmes d’analyse de type zero shot learning permettant aux robots de reconnaitre, par association, des objets ou des formes qu’ils n’ont jamais « vus » « , conclut Philippe Bidaud. Tout cet éventail d’outils de data science améliore de jour en jour l’interaction des robots avec leur environnement.
Jean-Philippe BRALY