Des capteurs en tout genre pour ausculter les champs
⏱ 6 min[vc_row][vc_column][vc_column_text]Si l’imagerie satellitaire est un pilier de l’agriculture de précision, bien des données utiles ne peuvent être obtenues efficacement qu’à proximité, voire au contact des plantes. Des engins bardés de capteurs prendront le pouls des cultures du futur.
Quand semer ? Quelles terres amender ? Quels pesticides utiliser, où et quand ? Quand récolter ? L’agriculteur, pour optimiser, s’organiser dans un environnement de plus en plus complexe, doit à chaque fois réunir des informations, les soupeser… et décider. Depuis que la numérisation de l’agriculture est en marche, les exploitations font de plus en plus appel à toutes sortes de logiciels et de services en ligne, notamment des outils d’aide à la décision (OAD). Lesquels se nourrissent de quantité de données. Certaines tombent du ciel (lire l’article 1 de ce dossier » Les images tombées du ciel ont lancé l’agriculture de précision « ), d’autres sont plus… terre à terre. L’agriculteur allait hier ausculter sur place ses champs et ses plantes, il peut aujourd’hui s’équiper de toutes sortes de capteurs qui acquièrent automatiquement, localement, des données qui vont nourrir ses logiciels… et sa réflexion.
Ces données peuvent tout d’abord être collectées par des capteurs fixes, généralement installés sur un piquet planté dans le sol. Le plus souvent alimentés par un petit panneau solaire, ils sont connectés via l’un de ces réseaux du type LPWAN (Low-Power Wide-Area Network, soit « réseau sans fil basse consommation et longue portée »), comme Sigfox et Lora, qui ont été pensés pour l’IoT (Internet des objets) et ses objets connectés.
Capteurs en tout genre
Le temps qu’il fait est une information essentielle en agriculture et le marché propose aujourd’hui un large choix de stations météorologiques connectées plus ou moins sophistiquées. Température, humidité, pluviométrie, pression atmosphérique, vitesse et direction du vent sont de rigueur, certains modèles ajoutent la durée d’ensoleillement, le rayonnement UV, la température au sol…
Le premier souci de l’agriculteur est l’état de sa terre. Des capteurs d’humidité, sur chaque parcelle, plusieurs sur les plus grandes, lui permettent d’avoir à distance une visibilité sur les besoins en eau de ses cultures. Sur certains types de sols et pour certaines cultures, des capteurs de pH peuvent être utiles : une acidité trop élevée diminuant la biodisponibilité de certains nutriments.
Certains outils sont plus sophistiqués. « Des capteurs optiques peuvent informer en temps réel sur le développement foliaire des plantes, ainsi que sur leur activité chlorophyllienne, explique Benoît de Solan, ingénieur de recherche chez Arvalis-Institut du végétal et responsable de l’unité mixte technologique Capte, à Avignon. Des expériences visent à développer et évaluer l’efficacité de dispositifs économiques réunissant plusieurs capteurs sur un même piquet. Ainsi le projet Crocus que nous avons mené en Champagne-Ardenne en 2015 avec des chercheurs de l’Inra et d’Irstea visait à tester sur des parcelles de blé et d’orge un réseau de piquets connectés d’un coût unitaire inférieur à 1 000 €, réunissant des sondes de température et d’humidité du sol à plusieurs profondeurs, un capteur optique évaluant l’indice foliaire (surface des feuilles de la plante par unité de surface au sol), et un autre mesurant la teneur en chlorophylle. Les résultats furent encourageants. » La société Bosch développe et devrait commercialiser en 2020 un piquet multicapteur connecté de ce type, intégrant également une caméra.
Lorsqu’on peut s’approcher à quelques mètres ou centimètres des plantes, des techniques de détection optique « actives », inapplicables depuis un satellite pour des raisons énergétiques évidentes, deviennent praticables. « La fluorescence induite, provoquée par une illumination des feuilles à très courte distance, notamment en UV, permet de détecter certaines molécules produites par des pathogènes ou par la plante en réaction à une contamination, explique Benoît de Solan. L’illumination par une source contrôlée (flash, LED) permet d’éliminer l’influence du soleil, ce qui est important pour bien interpréter ces mesures. La société Force-A s’est spécialisée dans cette technologie. »
Son et images
Autre piste, inattendue : le son. « Pour lutter contre les insectes ravageurs, rappelle t-il, on utilise depuis longtemps des pièges à phéromones, qui les attirent de manière spécifique. En passant les voir régulièrement, l’exploitant peut observer la progression d’une attaque et ainsi choisir le meilleur moment pour agir. Une solution pour obtenir en temps réel, à distance, une information précise sur ces invasions consiste à placer un micro dans ces pièges et à identifier l’insecte cible en analysant les bruits caractéristiques qu’il produit. La société CAP 2020 a ainsi mis au point un piège connecté qui compte les noctuelles de la tomate. » Cap 2020 veut adapter cette solution à d’autres ravageurs comme la pyrale et la sésamie du maïs.
Après le son, l’image. « Il existe des pièges à phéromone dotés d’une caméra, explique Véronique Bellon-Maurel. Chercheuse ingénieur-agronome spécialisée en capteurs optiques à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) de Montpellier, elle dirige l’institut Convergences agriculture numérique (#DigitAg). Ces pièges font appel à des algorithmes de vision artificielle. Les plus connus sont les Trapview. » La société slovène Efos en propose pour toutes sortes de ravageurs de la tomate, de certains fruits (pommes, poires, pêches), de la vigne et des choux. « Ces détecteurs d’insectes, ajoute la chercheuse, sont particulièrement intéressants lorsqu’il y a partage d’information entre exploitants voisins. Ce qui permet de suivre de proche en proche le développement de l’épidémie et d’alerter les exploitations concernées. »
Bien sûr, les capteurs peuvent aussi être mobiles. Il y a tout d’abord les « capteurs piéton ». « Une forme de “proxi-détection” à ne pas négliger est obtenue à l’aide de dispositifs légers et portables, qui permettent d’obtenir l’information au plus près de la plante, indique Véronique Bellon-Maurel. Ainsi la maturité de certaines cultures, comme la vigne, peut être évaluée en effectuant des mesures à l’aide d’un appareil utilisé à main levée, sur un échantillon de plantes. Une solution qui pourrait être généralisée à d’autres cultures. »
On peut aussi faire plus simple et moins cher. « On conçoit des outils très économiques s’appuyant sur le smartphone, ajoute Véronique Bellon-Maurel. Pour le raisin, une équipe Irstea a développé Smartgrappe, qui consiste en un boîtier destiné à éliminer la lumière ambiante et à imposer une distance fixe entre l’objectif et la grappe. Un logiciel de vision artificielle évalue l’hétérogénéité colorimétrique de la grappe, qui est un indicateur de sa maturation. Cette approche peut être transposée à la mesure d’autres facteurs, comme le nombre et la taille des grains, ainsi qu’à la détection de défauts et maladies, y compris sur d’autres parties de la plante, comme les feuilles, et bien sûr à d’autres cultures : vergers, fruits rouges, tomates… Au Sénégal, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) a développé avec succès une application sur smartphone permettant d’évaluer le rendement d’une exploitation de manguiers, à partir de quelques photographies d’arbres choisis au hasard. » Ce qui simplifie grandement les relations avec les acheteurs. L’équipe du Cirad qui a développé cette application, PixFruit, prévoit de généraliser son approche à d’autres productions : café, agrumes, litchis…
Robots et drones
Bien sûr, l’agriculture numérique fait aussi appel à des capteurs encore plus mobiles, embarqués sur des tracteurs ou des machines agricoles tractées, voire sur des robots terrestres ou des drones. « À Clermont-Ferrand, l’unité TSCF d’Irstea, spécialisée en robotique agricole, imagine même un type de robot particulier, le “scouting robot”, ajoute Véronique Bellon-Maurel, qui aurait pour seule fonction de surveiller les cultures, de prendre des clichés en gros plan, d’aller voir sous les feuilles, à la recherche de ravageurs ou de maladies et de signes de pathologies. À terme, pourquoi pas prélever des échantillons au passage ? Dans l’avenir, les drones pourraient être capables non seulement de photographier en zoomant sur des plantes individuelles, pour alimenter les logiciels de vision artificielle, mais aussi d’effectuer des prélèvements, par exemple de feuilles. » Lesquelles pourront ensuite être observées ou analysées au laboratoire, etc.
Et si les capteurs embarqués font merveille dans l’observation, ils sont également incontournables pour passer à l’action. Par exemple ces caméras grâce auxquelles un algorithme détecte à la volée les mauvaises herbes, et contrôle un actionneur qui les élimine. La robotique agricole fera l‘objet du troisième volet de cette enquête.
Pierre Vandeginste
Illustration à la une. la géolocalisation de précision a permis l’émergence de l’agriculture de précision. ©ESA
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INFORMATION SUPPLÉMENTAIRE
ARVALIS participe à la fête la science avec Universcience les 4-5-6 octobre 2019. Ils seront présents sur 5 sites en France (voir communiqué) et pour la première fois à Paris à la cité des sciences et de l’industrie.[/vc_cta][/vc_column][/vc_row]