Robots agricoles : se déplacer, analyser et agir
⏱ 4 minPour se rendre indispensables, les robots agricoles doivent tout d’abord démontrer qu’ils sont vraiment capables de se débrouiller tout seuls sur le terrain, quel qu’il soit, et par tous les temps. Ensuite, ils devront sans doute apprendre à travailler en équipe.
L’agriculteur numérique a soif de données. Toutes sortes de capteurs, lointains pour les uns, à portée de main pour d’autres (lire l’article 2 de ce dossier « Des capteurs en tout genre pour ausculter les champs« ), abreuvent ses logiciels et nourrissent sa réflexion. D’autres encore fournissent une information à usage immédiat, dans le feu de l’action : ils sont embarqués dans une machine agricole, qui peut être tractée ou pilotée… ou mieux encore autonome. On parle alors de robot agricole.
« Un dispositif de désherbage sélectif, par exemple, tiré ou porté par un tracteur, peut agir entre les rangs s’il est doté d’un système de vision, qui n’est pas nécessairement très sophistiqué. Il peut se repositionner ou déplacer ses outils grâce à ces informations » précise Inès Teetaërt, ingénieur chargé de projet Agriculture numérique chez Arvalis – Institut du végétal, responsable du réseau Digifermes. Ce réseau de fermes expérimentales évalue toutes sortes de nouvelles approches technologiques. Le marché de la machine agricole propose déjà quelques engins tractés qui sèment, fertilisent, désherbent avec précision, à l’aide d’outils contrôlés, guidés par des algorithmes exploitant l’information issue de capteurs divers.
Objectif : autonomie totale…
L’étape suivante est bien entendu le véritable robot, qui arpente les champs sans pilote. « Le mouvement est lancé, affirme Inès Teetaërt, mais l’autonomie n’est pas un objectif facile à atteindre dans tous les cas de figure. Un robot ne sera utile que s’il est vraiment capable de se débrouiller seul en faisant du bon travail dans la durée. Il est impensable qu’il nécessite une surveillance ou qu’il appelle à l’aide régulièrement parce qu’il a mal interprété une situation particulière ou qu’il s’est embourbé. C’est pourquoi les premiers robots de désherbage, par exemple, sont surtout destinés à des cultures comme le maraîchage, qui se pratique généralement sur un terrain plat, avec des rangs bien espacés qui facilitent l’évolution d’un véhicule sur roues. » En France, une entreprise comme Naïo Technologies propose ce type de robots.
Le pilotage automatique d’un robot agricole évoluant sur un terrain accidenté, tout juste labouré par exemple, éventuellement en pente, le cas échéant boueux, c’est l’un des thèmes de recherche de l’équipe Romea (Robotique et mobilité pour l’environnement et l’agriculture) de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) à Aubière, près de Clermont-Ferrand. « Ces robots, assure Roland Lenain, directeur de recherche et responsable de cette équipe, devront un jour quitter seul leur garage, se déplacer dans la ferme et sur les routes sans incident, puis se déplacer sur des terres agricoles qui ne sont pas des autoroutes. La liste des problèmes à résoudre est longue. Nous travaillons sur des questions comme le contrôle de l’adhérence, la gestion des dérapages, la prévention des renversements. Certains tracteurs, comme les enjambeurs, qui évoluent au-dessus d’un ou deux rangs de vigne, ont un centre de gravité placé très haut et c’est tout un art de contrôler leur assiette. »
À propos d’enjambeur, Roland Lenain et son équipe travaillent sur une alternative étonnante. « Au lieu d’un engin capable d’enjamber un rang de ceps de vigne, nous mettons au point dans le cadre du projet ADP2E un duo de robots légers et stables, capables de se déplacer de part et d’autre du rang, de manière très synchrone. Grâce à des balises radios, un robot “suiveur” asservit en permanence sa position sur celle du robot “leader”, à deux centimètres près. Ce qui permet par exemple de faire de la pulvérisation de précision, au plus près des plantes. »
Et travail d’équipe
Plus généralement, le concept de coopération entre robots légers et spécialisés fait son chemin. « Nous travaillons sur ce sujet, par exemple dans le cadre du projet européen I-Leed. L’idée consiste à optimiser la gestion de pâturages, où paissent des bovins, à l’aide d’une équipe de petits robots. L’un d’eux est un simple observateur. Il patrouille en permanence, analyse l’état de l’herbe, découvre des zones où le terrain est à nu ou l’herbe trop haute, cartographie l’information obtenue. Après quoi, il peut planifier le travail d’autres robots qui vont intervenir pour maintenir la prairie en bon état. En fonction des besoins, il fera intervenir localement un robot semeur, un robot tondeur, voire un robot ébouseur… »
Pour aller encore plus loin dans cette course à la précision, certains robots auront le bras long. « Le projet Phenaufol, porté par l’Institut technique de la betterave, vise à développer un outil de détection précoce des maladies foliaires de la betterave. Pour cela nous avons développé Bettybot, un bras articulé monté sur une rampe, aujourd’hui portée par un tracteur, qui permet d’atteindre un plant de betterave distant et de l’observer au plus près via une caméra.
Lorsqu’il sera monté sur un véhicule robotisé, Bettybot sera un parfait exemple de ce que l’on appelle un “scouting robot” (robot éclaireur). Il circulera dans les champs, examinera sous toutes leurs coutures des plantes échantillons choisies au hasard et alimentera en images à haute définition des algorithmes capables de diagnostiquer précocement des pathologies à partir des premiers signes. Après quoi un robot pulvérisateur agira, là où c’est nécessaire. » Mais demain est un autre jour. Aujourd’hui, quelques centaines de robots agricoles œuvrent… sur les 450 000 exploitations de l’Hexagone.
Pierre Vandeginste
Illustration à la une : Dino est un robot électrique autonome pour le désherbage mécanique des productions légumières développé par la start-up toulousaine Naïo Technologies. ©Naïo Technologies