

Mesurer l’engagement émotionnel, nouvelle variable marketing
⏱ 3 minRien d’étonnant à ce que le marketing s’intéresse aux données comportementales. L’objectif ? Acquérir de nouveaux outils de mesure pour mieux connaitre ses clients.
Avec l’appui des neurosciences, le marketing s’intéresse aux données comportementales pour développer de nouvelles pratiques commerciales. Ce champ de recherche, basé jusque-là sur l’utilisation de l’imagerie cérébrale, date du début des années 2000 et fait débat car il donne des clés pour manipuler les personnes (1, 2). Aujourd’hui, c’est l’identification des émotions et des réactions des consommateurs ou d’un public qui commencent à être sondées, comme le fait Datakalab. Cette startup française, créée début 2017, utilise pour l’instant les données issues de caméras et de bracelets connectés. « Nous analysons des données émotionnelles (les feel data) de façon anonyme dans le but d’objectiver le ressenti : de quoi permettre aux marques, aux annonceurs ou aux entreprises de mieux comprendre leurs clients, leurs téléspectateurs ou leurs salariés, explique Xavier Fischer, CIO de Datakalab, Centralien, passé par Emotient, une société spécialisée dans l’IA et l’analyse des expressions faciales rachetée par Apple en 2016. En croisant ces feel data avec des données déclaratives ou physiologiques, notre but, à terme, est de créer des modèles prédictifs d’émotions, pour différents marchés. »
How do you feel ? L’application d’analyse vidéo de Datakalab est basée sur le Facial Action Coding System de Paul Ekman, psychologue américain qui a catégorisé les 7 principales émotions (joie, surprise, peur, tristesse, colère, dégoût et mépris) et les 46 actions en jeu (action units) comme le froncement de sourcils ou l’étirement de la commissure des lèvres. Un système considéré comme universel qui permettrait de distinguer un vrai sourire d’un sourire de circonstance. « Notre solution, à base de deep learning, permet d’automatiser ce facial coding, explique Lucas Fischer, responsable produit, en 3e année de l’école Centrale, frère cadet de Xavier. Nous pouvons analyser des centaines de visages dans une salle, en temps réel, avec une seule caméra devant l’auditoire. Nous identifions les visages, puis les action units qui permettent de déterminer les émotions et leur intensité. Le point clé, c’est la labellisation des expressions faciales. Aujourd’hui, nous utilisons des réseaux de neurones convolutifs avec une analyse image par image (15 analyses par seconde) et nous travaillons sur des réseaux de neurones récurrents pour passer à une analyse en mode vidéo. »
Accroitre l’impact
La technique a été exploitée pour TF1 Publicité pour analyser la corrélation entre intensité des émotions et mémorisation des spots publicitaires en croisant ces données avec des données déclaratives. Objectif : accroitre l’efficacité publicitaire en choisissant mieux le moment de leur insertion. La bande annonce du film La marche de l’empereur (Walt Disney) a aussi été testée et modifiée pour être plus émouvante. Autre exemple : « Sur la base d’un panel de personnes dans une salle, nous avons utilisé notre API pour objectiver les émotions lors des débats télévisés des primaires américaines, ajoute Xavier Fischer. Parmi les conclusions : Donald Trump provoquait 6 fois plus d’émotions qu’Hillary Clinton, donc plus d’ancrage mémoriel… De même nous pouvons évaluer l’impact d’un discours dans une conférence et fournir des recommandations. »
Avec le bracelet connecté, c’est le niveau de stress qui est mesuré grâce au battement cardiaque, à la sudation ou à la température extracutanée… De quoi analyser les émotions que suscitent un espace, un magasin, un lieu public ou une exposition. A part le facial coding et le bracelet connecté, développés en interne, Datakalab, qui se définit comme un laboratoire conseil en neuromarketing, cherche à nouer des partenariats avec le monde académique pour automatiser d’autres technologies à des fins de marketing ou de communication en échange des données recueillies. La startup travaille ainsi avec Centrale Supélec, l’Université de Rennes ou de Lille. Autant de promesses de « révélateurs de vérités » comme ils disent, à ne pas mettre entre toutes les mains.
Isabelle Bellin
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- Brigitte Chamak.
Neuromarketing : une fusion suspecte.
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- Sébastien Lemerle ; Carole Reynaud-Parigot. La biologisation du social. Discours et pratiques, Presses Universitaires de Paris Nanterre, pp.113-123, 2017, 978-2-84016-258-2.
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- Didier Courbet, Denis Benoit.
- Études de communication – Langages, information, médiations, Université Lille-3, 2013, 40, pp.28-42.